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  • La fontaine des Innocents au musée Carnavalet

    Le musée Carnavalet organise une exposition dédiée à la fontaine des Innocents, un monument parisien emblématique de la Renaissance. Elle présente les transformations de cette fontaine depuis son origine et explore la figure de Jean Goujon, un artiste majeur mais peu connu du grand public, malgré ses réalisations au Louvre ou à Saint-Germain l’Auxerrois. L'influence de Goujon sur l'Art, de la Renaissance à nos jours, est illustrée, notamment son impact sur des sculpteurs comme David d'Angers ou des peintres comme Ingres. En regard de la dernière partie du parcours, un atelier permet d’assister à la restauration in situ dans un espace dédié d’épreuves anciennes en plâtre des nymphes de la fontaine.

     

    La fontaine des Innocents au musée Carnavalet

     

    Jean Goujon est un sculpteur majeur de la Renaissance française, mais sa biographie reste en grande partie inconnue. Des détails sur sa naissance, sa mort et sa formation, comme un possible voyage en Italie, sont incertains. Bien que les artistes du 19e siècle aient romancé sa vie, le transformant en héros de fiction, Jean Goujon reste mystérieux. Il est souvent représenté dans des scènes galantes ou tragiques, telles que sa supposée mort sur l'échafaudage de la fontaine des Innocents pendant le massacre de la Saint-Barthélemy en 1572. Malgré les récits dramatiques de cette mort, les circonstances réelles de son décès sont inconnues. La dernière trace de Jean Goujon remonte à 1564 à Bologne, en Italie. Il est considéré comme une figure emblématique de la Renaissance française, la salle qui lui est dédiée au musée du Louvre en témoigne. Son image est omniprésente dans les décors publics et dans l'imagerie populaire au début du 20e siècle, destinée aux écoliers ou à des fins publicitaires (chromos,vignettes).


    Joseph Felon, La mort de Jean Goujon, 1834 Courtesy Galerie Chaptal, Paris
    Joseph Felon, La mort de Jean Goujon, 1834
    Courtesy Galerie Chaptal, Paris

    Sa première commande connue date de 1541 pour l'église Saint-Maclou de Rouen. En 1544, il travaille à Paris sous la direction de l'architecte Pierre Lescot pour l'église Saint-Germain l'Auxerrois, puis pour la nouvelle aile du Louvre sous Henri II. Jean Goujon réalise également des décors pour l'entrée triomphale d'Henri II à Paris en 1549. La première commande parisienne certaine de Goujon est le décor du jubé de l'église Saint-Germain l'Auxerrois en 1544. En 1548, il commence la construction d'une fontaine à l'angle des rues Saint-Denis et aux Fers, près de l'église et du cimetière des Saints-Innocents, pour remplacer une ancienne fontaine. Cette nouvelle fontaine, liée à l'urbanisme parisien, célèbre les thèmes aquatiques et les divinités mythologiques, tout en alimentant le quartier des Halles mitoyen en eau.

     

    Jean-François Janinet, La fontaine des Innocents, vue du coin des rues Fer et Saint Denis, 1792 CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
    JF. Janinet, La fontaine des Innocents, vue du coin des rues Fer et Saint Denis, 1792 Musée Carnavalet -

    Le cimetière des Innocents, datant du début du Moyen Âge, s'agrandit en 1137 lorsqu'un marché central est déplacé à proximité (Halles). Situé entre les rues aux Fers, Saint-Denis, de la Ferronnerie et de la Lingerie, il est intégré dans Paris à la fin du 12e siècle. Une église dédiée aux "saints Innocents" s'y trouve. Jusqu’au début du 18e siècle, la fontaine des Innocents est alimentée par les sources de Ménilmontant et Romainville, transportées dans Paris par l’aqueduc du Pré-Saint-Gervais. Cette fontaine des Innocents, inspirée de l'arc de triomphe d'Ancône, est érigée près de l'église et ornée par des reliefs de Jean Goujon en 1548. Elle comporte trois arcades et une loggia permettant de voir les processions. Les reliefs horizontaux de la fontaine, retirés au 19e siècle et conservés au Louvre, diffèrent en état des 5 nymphes verticales qui sont restées sur place jusqu'à la récente restauration.

    L'une des cinq nymphes de Jean Goujon
    L'une des cinq nymphes de Jean Goujon
     

    À travers ses sculptures, Jean Goujon célèbre l'eau et les divinités aquatiques en utilisant des techniques fines de sculpture qui mêlent volumes et détails incisés pour animer les figures sur la fontaine Les cinq nymphes s'intègrent dans un espace clairement défini par l'architecture, entre des pilastres surmontés de chapiteaux. Avec des figures élancées et sinueuses, dans des positions variées et éloignées de toute réalité anatomique, Goujon livre un manifeste de la sculpture quasi maniériste. L'écoulement de l'eau est évoqué par les plis de fins drapés mouillés qui adhèrent aux corps, rappelant la sculpture antique. Ces nymphes seront plus tard une source d’inspiration pour de nombreux artistes comme Jean-Dominique Ingres, Jean-Baptiste Carpeaux puis Antoine Bourdelle.

     

    Jean Goujon, Nymphe et petit génie monté sur un dragon marin, relief du soubassement de la fontaine des Innocents, 1548-1549 Musée du Louvre
    Jean Goujon, Nymphe et petit génie monté sur un dragon marin, relief du soubassement de la fontaine des Innocents, 1548-1549
    Musée du Louvre

    En 1765, l'inhumation est interdite dans Paris intra-muros pour des raisons d'hygiène, entraînant la fermeture du cimetière des Innocents et le déplacement des ossements vers les catacombes. L'archéologue Quatremère de Quincy alerte sur les risques de démantèlement de la fontaine, sensibilisant ainsi l'opinion publique à sa valeur. En 1785, un marché aux herbes est aménagé sur le site dégagé. La fontaine est démontée, déplacée et transformée en édicule carré avec une quatrième face, dont les sculptures, réalisées par Augustin Pajou en 1788, contribuent à sa sauvegarde et à sa reconnaissance comme chef-d'œuvre. Pajou réalise trois reliefs de nymphes pour compléter la fontaine des Innocents devenue un édicule carré !

     

    Antoine Feder, La fontaine des Innocents et le marché, avant 1791 / Musée Carnavalet
    Antoine Feder, La fontaine des Innocents et le marché, avant 1791 / Musée Carnavalet

    Cernée par les travaux du préfet Haussmann, la fontaine des Innocents est démontée et déplacée, en 1859, au sein d’un square planté d’arbres et garni de pelouses, conçu par Gabriel Davioud.

     

    Son socle, jugé trop massif, est modifié, ultime étape de sa métamorphose en fontaine d’apparat, « ornement » d’un espace pensé comme un îlot de verdure dans un tissu urbain très dense. Gabriel Davioud l’installe au milieu d’un bassin circulaire et remplace le socle par un soubassement pyramidal, orné sur chaque face de six vasques concentriques disposées en gradins.

     

    Eugène Atget, Fontaine des Innocents, 1904 Musée Carnavalet
    Eugène Atget, Fontaine des Innocents, 1904 Musée Carnavalet

    Au début des années 1970, la démolition des Halles, les aménagements du Forum, de la station de RER et du parking souterrain nécessitent une importante reprise en sous-œuvre de la fontaine. Les vasques en gradins sont refaites à neuf à cette occasion. L'ensemble est celui qui est visible aujourd'hui.

     

    La restauration 2023-2024 concerne le monument et ses décors sculptés, mais aussi une remise en eau et en lumière de la fontaine. Alors que les trois nymphes d’Augustin Pajou sont restaurés sur place, les cinq nymphes du 16e siècle de Jean Goujon ont été déposées afin d’être restaurés en atelier et sont visibles pour la première fois au sein de l'exposition.

     

    Du 24 avril au 25 août 2024 au Musée Carnavalet



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    Visite à Paris - Guide Conférencier
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