Le musée Carnavalet présente une exposition consacrée à la Régence, période oubliée de l’histoire car relativement courte (1715-1723), mais qui marque le retour du Roi, de la vie politique, économique et culturelle à Paris. La structure thématique choisie pour le parcours met en évidence la portée historique de cette parenthèse entre Louis XIV et Louis XV, portée par un personnage hors du commun : Philippe d'Orléans.
Louis XIV meurt le 1er septembre 1715 à Versailles. Il laisse derrière lui, comme héritier, un enfant de 5 ans trop jeune pour régner, Louis XV. Son testament de régence en faveur du duc du Maine, son fils naturel préféré, est cassé par le parlement au profit du duc Philippe d’Orléans (1674-1723), neveu du défunt. Un personnage controversé...
Lit de Justice du 12 septembre 1715 au Parlement de Paris . Pierre Denis Martin. Musée Carnavalet |
Paris en 1715, vu du quai de la rapée |
La cour, le pouvoir, toutes les administrations se réinstallent à Paris, deuxième ville d’Europe, qui voit alors sa population s’accroître considérablement. La ville, en particulier le Palais-Royal, résidence du Régent, devient ainsi le cœur de la vie politique et la source d'une intense imagination populaire. L'Histoire a conservé de Philippe l'image d'un débauché, noceur et agioteur invétéré, souvent ivre au bras d'un cardinal Dubois, son ministre non moins pittoresque. et l'exposition vient rectifier cette représentation trop simpliste souvent exagérément colportés, par les libelles, par Saint Simon et même le cinéma contemporain.
Offrande à Priape. Jean Raoux 1720. Musée Fabre de Montpellier. |
Mémoires de Saint Simon. Volume VII. Page sur les mœurs du régent. Paris BNF |
"ses soupers étaient toujours en compagnie fort étrange. Ses maîtresses, quelquefois une fille de l'Opéra, souvent Mme la Duchesse de Berry, et une douzaine d'hommes, tantôt les uns, tantôt les autres, que sans façon il ne nommait jamais autrement que ses roués. Les Galanteries passées et présentes de la cour et de la ville sans ménagement, les vieux contes, les disputes, les plaisanteries, les ridicules, rien n'y personne n'était épargné. M le duc d'Orléans y tenait son coin comme les autres, mais il est vrai que très rarement tous ces propos lui faisaient ils la moindre impression. On buvait d'autant, on s'échauffait, on disait des ordures à gorge déployée, et des impiétés à qui mieux mieux, et quand on avait bien fait du bruit, et qu'on était bien ivre, on s'allait coucher, et on recommençait le lendemain"
Philippe d'Orléans et Mme de Parabère en Minerve. JB Santerre. Musée de Versailles |
Nonobstant, s’ensuit une période d’une intense effervescence culturelle qui donne naissance à un monde d’innovations philosophiques, économiques et artistiques notables, promptes à faire oublier les tristes dernières années du règne de Louis XIV.
Commode signée Charles Cressent (1725) dans la pièce consacrée au mobilier Régence |
Mobilier régence : bois satiné et amarantes, marbres et bronzes dorés... On voit apparaitre les premières réalisations du style rocaille.
Jean-Baptiste Oudry, Comédiens italiens dans un parc, vers 1719 Collection privée |
Le régent autorise la présence de la comédie italienne à Paris, interdite par Louis XIV sous la pression des opposants à ce style théâtral si particulier. De leurs côtés, les salons parisiens retrouvent leur liberté c'est le cas de Madame de Lambert, qui tient salon dans son hôtel de Nevers. C'est aussi l'époque du jeune Voltaire.
Vue du Palais Bourbon. Côté Seine. |
Le renouveau de l'architecture est manifeste à Paris : Vue du palais Bourbon ( avant qu'il ne soit modifié pour devenir le lieu de la représentation nationale). Autre exemple visible aujourd'hui : La galerie dorée de l'hôtel de Toulouse, redécorée par De Cotte actuelle Banque de France. De nombreux hôtels (dont l'Elysée) sont construits rue du faubourg Saint-Honoré.
Projection dans l'exposition Régence |
L'exposition n'oublie pas les films emblématiques : Le Bossu par Philippe de Broca avec Daniel Auteuil d'après Paul Féval et surtout "Que la fête commence" de Bertrand Tavernier avec Philippe Noiret (Le Régent), Marina Vlady (Mme de Parabère) et Jean Rochefort (Cardinal Dubois). Ce dernier étant particulièrement à charge dans l'image laissée par les protagonistes.
Quelques assignats de John Law |
Une salle est consacrée à l'affaire des assignats du banquier John Law. Bien qu'ayant pour longtemps éloigné le grand public de la monnaie papier car très inflationniste, cette opération a cependant permis de désendetter l'état ruiné par les guerres de Louis XIV, ce qui n'est pas mince.
Une autre présente un four d'alchimiste, une autre activité surprenante du régent, toujours à court d'argent frais. Philippe se voulait également géographe, collectionneur et musicien (l'expo fait entendre un morceau d'opéra de sa composition)
Le four d'alchimiste du régent |
La chaise à porteurs de son épouse... bien seule dans son château de Bagnolet...dont il nous reste un petit pavillon.
Chaise à porteurs d'époque régence |
Une allégorie représente ces nombreuses activités de Philippe d'Orléans, avide de savoirs et travailleur infatigable, digne représentant du siècle des lumières qui s'annonce.
Allégorie d'Antoine Dieu à la gloire de Philippe d'Orléans. musée de Versailles |
L'exposition s'achève sur des reproductions de la couronne de sacre de Louis XV, qui recouvre ses responsabilités (à Versailles) en 1723, l'année même où décède celui qui donna son nom à un joyau fort célèbre : Le Régent. Cependant, ces quelques années laisseront un souvenir considérable à Paris, qui redevint la capitale l'espace d'un instant et une certaine nostalgie : Voltaire écrit en 1752 :
"Voici le temps de l'aimable régence
temps fortuné marqué par la licence,
où la folie agitant son grelot,
d'un pied léger parcourt la France,
où nul mortel ne daigne être dévot,
où l'on fait tout excepté pénitence.
Le bon Régent, de son Palais Royal,
Des voluptés donne à tous le signal"
Reproductions de la couronne de sacre de Louis XV et du joyau dit "le Régent" (vers 1850) |
Exposition du 20.10.2023 au 25.02.2024 au Musée Carnavalet
Quelle visite à Paris ? |
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