Quelles sont ces héroïnes du romantisme et comment sont-elles représentées dans les arts au XIXe siècle ? souvent avec les mêmes attributs. Le MVR promène son regard sur les personnages les plus célèbres de l'époque ou celles de la fiction. Beaucoup de ces portraits, connus par la réussite littéraire de ce siècle, doivent leur popularité à leur médiatisation au siècle suivant. Belle galerie de modèles un peu surannés, mais toujours populaires dans le grand public.
Sapho, Jeanne d’Arc, Marie Stuart, Héloïse, Juliette, Ophélie ou encore Atala : l’héroïne romantique vit des passions fortes, éprouve le désespoir et la mélancolie, aime et meurt d’aimer. La littérature, la sculpture, la peinture, la musique propagent cette vision artistique de femmes diaphanes et fragiles, dénudées, résignées face à un destin inéluctable.
Charles de Steuben, La Liseuse, 1829.Musée de Nantes |
Le XIXe siècle voit émerger le héros romantique. Le modèle du héros classique, caractérisé par le courage ou la force, laisse la place à un « impossible héros », habité par la sensation d’être arrivé trop tard et victime du fameux « mal du siècle » d'A.de Musset, celui d'un monde trop vieux. Il illustre des topoï spécifiquement romantiques : la nostalgie, la mélancolie, l’agitation intérieure, la passion amoureuse. Le héros romantique est moins agissant, plus soumis aux événements et à ses passions, il n’a pas vocation à symboliser une grandeur sociale.
Quasimodo enlève Esméralda "asile, asile" 1832. Eugénie Henry . Paris, maison de Victor Hugo |
Les artistes romantiques puisent dans la mythologie, le passé historique ou les textes de fiction pour représenter leurs héroïnes. Sont principalement représentées les figures d’Antigone, de Sapho, de Jeanne d’Arc, de Marie Stuart, ou encore les héroïnes shakespeariennes comme Lady Macbeth, Juliette, Ophélie ou Desdémone. Ces textes inspirent ensuite à leur tour : peintres, sculpteurs et musiciens. L’héroïsme féminin de la période romantique s’illustre principalement dans la passion amoureuse. Il s’achève souvent par un exil douloureux, un retrait du monde ou une mort dramatique et précoce, face à un destin inéluctable. Les représentations de la mort ou de l’instant qui la précède sont ainsi omniprésentes dans l’iconographie des héroïnes romantiques. Il n’y a pas de procédé d’héroïsation. Charlotte Corday et Manon Rolland font figure d'exception, car héroïnes qui meurent pour une révolution dévoyée. Chaque pays a sa figure tutélaire : Iseult la blonde pour les allemands, Juliette de Vérone pour les italiens, Héloïse pour les français.
Héloïse embrasant la vie monastique 1812 J.A.Laurent Musée de la Malmaison |
Exécution de Manon Rolland de la Platrière "liberté , que de crimes on commet en ton nom" |
Le genre du roman, en plein essor au XIXe siècle, contribue à la diffusion de l’héroïne de fiction, ce personnage principal du récit auquel la lectrice s’identifie. François-René de Chateaubriand, Victor Hugo, Madame de Staël, Sophie Cottin ou George Sand inventent des figures féminines de premier plan dans leurs écrits, parmi lesquelles Atala, Vélléda, Esméralda, Corinne, Mathilde ou encore Lélia. L'exposition nous les montre sur toile ou en buste. Dans les années 1820, le théâtre de William Shakespeare connaît en France une renommée tardive mais retentissante, grâce à sa forme moderne.
Deuxième partie de l'exposition : les héroïnes de fiction |
La salle 4 nous montre certaines héroïnes dans une version cinématographique : la Jeanne d'arc de Dreyer, la lady Macbeth d'Orson Welles, mais aussi Isabelle Huppert dans le rôle d'Emma Bovary...
Ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames persécutées s'évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu'on tue à tous les relais, chevaux qu'on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. Pendant six mois, à quinze ans, Emma se graissa donc les mains à cette poussière des vieux cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s'éprit de choses historiques, rêva bahuts, salle des gardes et ménestrels. Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir, comme ces châtelaines au long corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la campagne un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir. Elle eut dans ce temps-là le culte de Marie Stuart, et des vénérations enthousiastes à l'endroit des femmes illustres ou infortunées. Jeanne d'Arc, Héloïse, Agnès Sorel, la belle Ferronnière et Clémence Isaure, pour elle, se détachaient comme des comètes sur l'immensité ténébreuse de l'histoire. Elle frémissait, en soulevant de son haleine le papier de soie des gravures, qui se levait à demi plié et retombait doucement contre la page. C'était, derrière la balustrade d'un balcon, un jeune homme en court manteau qui serrait dans ses bras une jeune fille en robe blanche, portant une aumônière à sa ceinture; ou bien les portraits anonymes des ladies anglaises à boucles blondes, qui, sous leur chapeau de paille rond, vous regardent avec leurs grands yeux clairs...
Emma... dans la peau d'Isabelle Huppert (Chabrol.1991) |
En marge de la visite de l'exposition je vous conseille ce podcast féministe réalisé en collaboration avec les commissaires de l'exposition :
https://www.venuslepodcast.com/episodes/les-sacrifi%C3%A9es-du-romantisme
Musée de la Vie romantique. 16 Rue Chaptal, 75009 Paris jusqu'au 4 septembreQuelle visite à Paris ? |
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