Figure scientifique majeure de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe,Sigmund Freud (1856-1939) est l’auteur d’une œuvre considérable qui a révolutionné la connaissance de la psyché et qui, au-delà, embrasse une ample réflexion sur l’art et la civilisation. Pourtant, l’inventeur de la psychanalyse n’avait jamais fait l’objet d’une exposition en France. L’exposition organisée par le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme dans le très bel hôtel de Saint-Aignan explore en séquences le cheminement scientifique et intellectuel du médecin viennois.
Portrait de Sigmund Freud - Max Halberstadt (1882-1940)
Avec un ensemble de 200 pièces : peintures, dessins, gravures, ouvrages, objets et dispositifs scientifiques , dont des œuvres majeures de Gustave Courbet (L’Origine du monde), Oskar Kokoschka, Mark Rothko ou Egon Schiele, l'exposition restitue la vie de l’inventeur de la psychanalyse. Le parcours insiste sur les années viennoises puis parisiennes de Freud, héritier de Darwin, ses relations médicales, intellectuelles et universitaires autour de la neurologie. De nombreuses touches personnelles, souvenirs privés et pièces rares complètent le dispositif.
Le visiteur redécouvre l'histoire de l’invention de la psychanalyse, née de l’observation visuelle des symptômes de l'hystérie, photographiés, dessinés, mis en scène d'abord autour de Jean-Martin Charcot (1825-1893) à la Salpêtrière. Sa recherche thérapeutique s’épanouit dans la seule écoute, dans les associations de mots, en l’absence de tout représentation visuelle, dans la restitution des expressions refoulées. Pour un effet réel, il introduit la résurgence de l’émotion originelle dans le décor devenu célèbre du "divan". Le langage devient alors l’équivalent de l’acte enfoui. La parole devient libératrice, le lapsus, l'acte manqué ou le transfert deviennent des éruptions émotionnelles résultantes et obligées du patient.
Hans Hollein "Sigmund Freud Couch und Sessel"
Si Freud lui-même, né dans une famille juive originaire de Galicie gagnée par les idées de la Haskalah (les Lumières juives), affirme son athéisme et tient sa production scientifique à l’écart de son ascendance juive, tout comme du milieu viennois où il a vécu, c’est d’abord pour faire de la psychanalyse une science universelle, détachée de tout particularisme religieux ou culturel. Mais la démarche psychanalytique n’est pas étrangère à la tradition interprétative propre au judaïsme, ce que développe l'ultime partie de l'exposition. Afin de ne pas bloquer la parole de son patient allongé sur le divan, le psychanalyste s’assoit hors de son champ de vision, or la religion juive c’est « l’obligation d’adorer un Dieu que l’on ne peut voir »...