Merci Paris ! 20 écrivains amoureux de leur quartier - Tallandier - 336 pages - 17,90 € |
Le parcours escargot débute bien entendu par l'espace royal du 1er arrondissement dont Guy Goffette nous décrit la poésie des rues survivantes, comme celle de la Grande Truanderie. Dans le 2e, Jérôme Leroy suit une jeune fille au ruban mauve dans les passages couverts qui mènent aux boulevards, deux pigeons qui s'aimaient d'amour tendre, héritiers d'une longue série d'amours illustres. De là, on croise Karim Miské qui s'obstine à pénétrer les boites de nuit du NoMa, North Marais : on ne dit plus 3e arrondissement, voyez-vous. Juste en dessous, c'est le SoMa, le South Marais, le vrai Marais, celui du 4e arrondissement. Ce terrain de Jeu de Serge Joncour, secteur protégé, est une station balnéaire l'été venu. Même l'île Saint-Louis, ce paquebot éternellement immobile se transforme.
Une fois franchie la seine, Franck Courtès retrouve le 5e arrondissement de son enfance, celui des écoles et du jardin des plantes. Le quartier latin reste le plus jeune de la capitale, là le voyage géographique cède sa place au voyage dans le temps. L'intellectuel règne sur la Rive Gauche. François-Guillaume Lorrain l'exprime en une phrase : D'où vient que le Luxembourg, ce petit état dont on ne parle jamais, domine le 6e arrondissement ? La question me taraude désormais. Depuis Rose, Tatiana de Rosnay s'interroge, elle, sur le drame que vécut le boulevard Saint-Germain avec les travaux d'Haussmann. Mille questions reviennent, Tatiana a vécu rue Saint-Dom, quelle classe ! vite, quittons ce 7e arrondissement, très surveillé par la vidéo et pourtant probablement le plus beau de Paris.
Retour Rive Droite, on entre avec François Bott dans les terres de Proust et de Cocteau. Le bœuf sur le toit, rendez-vous de l’intelligentsia parisienne de l’entre-deux-guerres est au cœur du 8e arrondissement et le petit Marcel n'aimait rien tant que ce quartier au début du siècle dernier. Le 9e, c'est celui où Nathalie Kuperman est devenue mère de famille, je m'en souviendrai maintenant en passant devant la fameuse enseigne plus que bicentenaire de la courbe du faubourg Montmartre. Agnès Desarthe a une valise à la main dans son 10e arrondissement, aux départs, aux arrivées, billets de train à la main, billets d'avion dans la poche, nuits d’hôtels et appartements sous-loués quand ce n'est pas en bateau sur le canal Saint-Martin, voire dans le métro. Il ne manque qu'un aéroport au quartier !
Le Paris historique s'achève avec l'émotion de Valérie Zenatti devant ce 11e gravement marqué par les attentats de 2015, puis par la crise des migrants. Un réalisme brut succède au roman noir de Jules Maigret. L'atmosphère est devenue lourde sur le boulevard Richard-Lenoir.
Il est temps de partir pour les faubourgs, on y accède par la rue du faubourg Saint-Antoine avec Daniel Picouly et son 12e qui a du mal à se détacher, à prendre son indépendance. On reste à la lisière. La peur de s'enfoncer vers des terres restées longtemps inconnues du parisien ? Le 13e, c'est pire, puisqu'il n'y a aucune attraction notable (à l’exception de l'Observatoire, mais qui connait l'Observatoire ?). Pour l'amie de Kéthévane Davrichewy, le plus bel endroit est la poterne des peupliers, et c'est vrai, elle n'a pas tort, pour mille raisons dont celle qu'il s'agit d'un des rares vestiges de l'enceinte Thiers. Accessoirement, c'est aussi mon quartier.
Le 14e est (statistiquement) l'arrondissement le plus pollué de Paris. Marie Darrieussecq y reste clouée autour de la porte d'Orléans, carrefour cyclopéen éternellement encombré de bus, d'automobiles, de piétons qui sortent du métro, de tramways, de vélos, de motos qui dégazent 24h/24. Elle interviewe un boulanger. C'est assurément un des moments forts du livre, un grand bol d'air, rue d'Alésia. J'adore le 15e arrondissement, en raison du parc Georges Brassens et de son marché du livre ancien, Irène Frain n'en parle pas, mais elle se rattrape en évoquant l'ancien phare de la rue Castagnary. Je suis bien d'accord avec elle, quel scandale de l'avoir fait disparaitre ! Derrière l'ile aux cygnes et protégé par la seine, se cache le 16e arrondissement. En franchissant le pont Mirabeau, Denis Grozdanovitch nous détaille sa poésie, loin de la caricature qui tient souvent lieu de description. Poésie dorée, certes, mais poésie quand même.
J'ai toujours pensé qu'il ne se passe strictement rien dans le 17e arrondissement et que c'est précisément pour cela que de nombreuses célébrités y habitent. Tiffany Tavernier "lady bertrand" nous montre qu'il n'en est rien et qu'on y échappe pas plus qu'ailleurs à la fureur du monde. Tiens, il faudra que j'y organise une visite, pour voir. De là, on passe dans le 18e et la fameuse république libre de Montmartre, celle des personnages improbables, ce n'est pas Amélie Poulain, mais Aimé Blanc-Citron, que nous suivons dans le dédale avec Eric Poindron. Aimé montait tous les jours les 176 marches du métro abbesses, c'est dire ! Le 19e n'est pas Paris et Paris n'est pas la France. Julien Blanc-Gras nous invite au bout du monde, on y trouve, dit-il, de manière condensée, la beauté, la violence, le génie et la folie de notre temps, carnet de bord à l'appui. Gerard Mordillat termine notre voyage littéraire par son 20e arrondissement, dans l’ascension de la rue de Belleville et celle de Ménilmontant, jusqu'au point culminant de ses souvenirs, dans la rue du Télégraphe !
Ce n'est pas la grande boucle, mais ce tour de Paris, qui se termine par une arrivée au sommet, n'est pas aussi rapide que mon bref résumé peut le laisser supposer. On y flâne souvent avec ses propres souvenirs. J'ai découvert aussi d'un seul coup, chose rare, vingt nouveaux piétons de Paris, aux commentaires souvent très sociologiques, qui marqueront ceux du Paris 2017.
D.L
Merci, Paris !
de Collectif (Auteur), Gérard Mordillat (Avec la contribution de), Douglas Kennedy (Préface)
Editions Tallandier
336 pages - €17,90