• Facebook
  • Twitter
  • Linkedin
  • RSS
  • Atlas du Paris Haussmannien de Pierre Pinon

    Comment cet homme peut-il incarner à ce point l'image urbanistique de Paris ?  à l'évidence, l'adjectif d'haussmannienne est fréquemment associé  à la ville. On le comprendrait d'un grand architecte, d'un paysagiste, voire d'un urbaniste aux théories élaborées, du classicisme au modernisme, mais d'un préfet de la Seine ? c'est plus difficile. Un homme qui resta en action pendant seize ans seulement, de 1853 à 1870. Pourtant, Georges-Eugène Haussmann a réussi. Pierre Pinon nous aide à y voir clair dans ce mystère, par  un livre exhaustif et remarquablement illustré....


    Atlas du Paris Haussmannien de Pierre Pinon



    La première clé du mystère tient à l'erreur d'un style haussmannien en rupture avec le passé de la ville qui disparaîtrait à la fin des fonctions de cet homme à la préfecture de la Seine. Les grands travaux parisiens avaient déjà commencé avant son arrivée, même la légendaire percée. Le préfet Rambuteau fut le précurseur d'un nouvel urbanisme nécessaire pour la capitale, dont les foyers d'épidémies s'allumaient régulièrement dans des quartiers qui n'avaient pas changé depuis le Moyen Age. Symétriquement, on qualifie abusivement d'haussmannienne des réalisations bien postérieures au départ du préfet. La  Troisième République continua alignements, percées régulières et démolitions avec des contraintes d'urbanisme très voisines. Haussmann occupe  un espace dans le continuum qui occupa l'esprit des édiles tout au long du XIXe siècle, marqué par l'impérative réhabilitation du tissu urbain torturé par l'industrialisation massive et ses dégâts. À une préoccupation hygiéniste, les autorités publiques répondront par une solution radicale.

    La rue Rambuteau , Prélude aux grandes percées
    La rue Rambuteau , Prélude aux grandes percées

    Ensuite, le baron fut aidé, d'abord par Napoléon III, paysagiste lui-même, chose peu connue, mais aussi par une équipe exceptionnelle autour de lui. Cet homme fut un orchestrateur de vrais talents : les architectes Deschamps, Hittorf, Baltard, Ballu, Davioud.... mais aussi des ingénieurs : Alphand, Belgrand, des jardiniers comme Barillet-Deschamps. Lui-même montrait certains dons comme l'aisance dans les manipulations financières ou la persuasion, qualités indispensables pour mener à bien son projet. Beaucoup de ses collaborateurs sont les vrais vecteurs du style Haussmannien. Alphand, par exemple, peut-être considéré comme le véritable génie des squares et jardins parisiens quand Baltard le fut pour les marchés.

    La gare du Nord , prouesse de J.I.Hittorf
    La gare du Nord , prouesse de J.I.Hittorf
    Enfin, ce qui rend omniprésent le style haussmannien à Paris tient à l'ampleur du projet. Un peu comme ce qui se passa dans les années 60, où C.de Gaulle, puis G.Pompidou, développèrent une image moderne à la ville : la Défense, les Halles, les stations de RER, le périphérique, L'université Jussieu, la tour Montparnasse, le front de Seine, etc. Le projet d'Haussmann était déjà un siècle avant à l'échelle de la ville et se déclina sur des sujets  très différents :  Alignements, lotissements mais aussi gares, ponts, bâtiments administratifs ou commerciaux, jardins, squares, nivellements, égouts, réservoirs d'eau, places, marchés, bois dont beaucoup de réalisations ne s'achèveront qu'après lui... comme l’Opéra (1875) ou le réservoir Montsouris (1873)

    Le réservoir Montsouris, construit par E.Belgrand
    Le réservoir Montsouris, construit par E.Belgrand
    Pierre Pinon donne précisément le détail et l'histoire de ces "embellissements", formule souvent controversée, mais finalement acceptée par beaucoup de parisiens. Il précise le rôle exact de ses acteurs et comment ce prodigieux exploit urbain s'est déroulé, son éclat et ses erreurs. Un siècle et demi après son travail, "l'artiste démolisseur" est toujours au cœur d'âpres discussions, débats et controverses, particulièrement sur un mot clé : "expropriation" ou à propos de "l'élargissement des rues pour faire passer les canons et la cavalerie". 

    Un peu comme si, en dépit de réalités visibles aujourd'hui et du bilan objectif relaté dans ce livre, le préfet n'était qu'un jalon utile à l'entretien d'un mythe politique ou d'un ressort romantique.

    D.L

    Feuilleter le livre :