Après Berlin, où elle élabore en 1923 des nus féminins ambigus, c’est à Paris que se réalise son destin de photographe, par la reconnaissance de ses « fers », architectures métalliques, ponts et grues qui forment le portfolio Métal (1928). Installée à Paris en 1926 comme photographe de mode, elle est d’abord essentiellement au service de l’atelier de Sonia Delaunay. À partir de mars 1928, elle effectue des reportages novateurs pour le magazine photographique VU, nouvellement créé, s’attachant surtout à la vie parisienne, celle des bas-fonds et des petites gens, des quartiers populaires ou de la « zone ». On compte ainsi plus de six cents reproductions de ses photos entre 1928 et 1934.
« Germaine Krull, ne crée pas des anecdotes faciles, mais elle met en évidence le détail secret que les gens n’aperçoivent pas toujours. » Pierre Mac Orlan
Paris, Paris !
La grande ville est un ensemble d’opportunités inégalées pour cette photographe déterminée : grands magasins, mannequins de vitrines, effets lumineux de la nuit, halles et quais de Seine, qui montrent une qualité poétique. Adepte du « livre de photographie », Krull publie, en 1929, 100 x Paris, un livre de cent vues inhabituelles de la capitale. Elle concrétise ainsi l’imaginaire du « fantastique social » que développe son ami l’écrivain Pierre Mac Orlan (Quai des Brumes, 1927).
Paris, Paris des années folles |
Germaine Krull aime l’automobile, la vitesse et la mécanique. À Paris, elle photographie à foison le trafic. Après une commande publicitaire de Peugeot pour la 201 en 1929, elle montre un engouement pour le voyage par la route, la grande nouveauté de l’époque. En tant que femme-photographe, elle s’intéresse aux femmes-artistes comme Colette, Berthe Bovy, ou la chanteuse Damia. On remarque aussi des clichés de Jean Cocteau, André Malraux. 24 photos paraissent dans “Le Courrier littéraire” de 1930 où figure une Lettre de Jean Cocteau qui dit son étonnement à la réception des photos de Berthe Bovy dans La Voix humaine. Elle y est traitée comme une véritable artiste de l’avant-garde du moment. Elle ose des cadrages, des détails, des situations, des fantaisies, des jeux d’ombre projetée qui sollicitent l’imagination et provoquent l’étonnement. Elle s’intéresse au cinéma et l’exposition nous montre un film : “Il partit pour un long voyage” (11 min 20 s), histoire d’un gamin épris de géographie qui rêve d’un grand voyage et se cache sur une péniche des quais de Bercy, prétexte pour des plans « photographiquement » soignés sur les activités des quais de Seine.
Place Clichy - Germaine Krull (au fond le gaumont palace) |
En 1940, elle part pour le Brésil afin de se mettre au service de la France libre. Envoyée en 1942 à Brazzaville, elle fonde un service de propagande photographique et effectue des reportages dans l’Afrique équatoriale française. En 1943, elle rejoint Alger en tant que reporter, puis les troupes de De Lattre, débarque dans le Midi et remonte en Alsace où elle participe à la bataille d’Alsace et est témoin de la libération du camp de Vaihingen. En 1946, Germaine Krull se fixe à Bangkok et devient gérante de l’hôtel Oriental, dont elle fait un établissement de grande renommée. Adepte du bouddhisme, elle photographie abondamment le patrimoine religieux de Thaïlande et de Birmanie. Ayant quitté la gestion de son hôtel en 1966, elle prend fait et cause pour les Tibétains en exil et se met à leur service (Tibetans in India, 1968). Sans ressources, malade et ayant perdu la majeure partie de ses clichés, Germaine Krull rentre en Allemagne, où elle s’éteint le 30 juillet 1985.
Étude pour la folie d'Itteville - Germaine Krull |