Eugène Viollet-le-Duc fut d'abord un décorateur spécialiste du Moyen Age mais surtout un grand amoureux de cette époque. Une passion qui faisait dire à certains qu’il y vivait intérieurement et extérieurement. Son génie a marqué l’histoire de l’Art, une discipline qui n’existait pas avant lui et on le considère même comme l’inspirateur de nombreux architectes-artistes comme Victor Horta, Hector Guimard ou Henri Sauvage. Longtemps après sa disparition, les historiens se sont attachés à mettre en perspective sa science archéologique, sa doctrine en matière de restauration et son activité au service du patrimoine en le présentant comme le symbole du sauvetage du passé mais également l'homme des interprétations ou des ajouts personnels : Une polémique qui sera présente dans tous les débats à venir en archéologie, en France comme à l’étranger : Doit-on restaurer ou reconstruire ? À partir des années 1970, les idées qu’il avait exprimées en matière de création architecturale furent à leur tour objet d’études et de controverses, signe de son importance.
Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire, c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé à un moment donné - Eugène Viollet-le-Duc
Aujourd’hui, trente ans après la dernière exposition qui lui fut consacrée à Paris, ce sont les aspects les moins connus et les plus inattendus de cet artiste aux talents multiples qui sont présentés au public en essayant de « poser la question Viollet-le-Duc ». On vit en lui à la fois le sauveteur et le destructeur de notre patrimoine médiéval, un dessinateur virtuose et talentueux ou, au contraire, un grand savant prisonnier de l’esprit et d’un système sans éclat. Son tempérament romantique qui se nourrit de visions intimes fut admiré, détesté, voire méprisé. Des visions qui lui apparaissent dès l’enfance, à la fin de ses jeunes années et dirigent toute son inspiration future comme autant d’images subliminales. Aujourd'hui, ces débats s'effacent devant le bilan accompli. L’exposition présente sa formation par les voyages, l’Italie, le sud de la France, ses rapports avec les auteurs romantiques, elle revient sur les gargouilles et les chimères, la flèche de Notre Dame et celle de la Sainte Chapelle, comme sur son lutrin monumental. Pour la génération Romantique, le Moyen Âge donne la clé de l’identité nationale et Viollet-le-Duc y ajoute que le néo-gothique fournit celle de la vérité du style et en impose l'unité sur l’ensemble des élévations. Cette unité qui permet de recréer sous nos yeux une réalité disparue, mais c'est sa création. Vous devez déjà avoir eu cette sensation étrange lors de vos visites à Carcassonne ou à Pierrefonds, exemples fameux. C’est très surprenant aussi à Roquetaillade : « le rétablir dans un état complet »
Au début des années 1830, il est professeur de dessin à L’École nationale supérieure des arts décoratifs. Parallèlement, un mouvement de restauration du patrimoine médiéval apparut en France. Prosper Mérimée, devenu inspecteur général des Monuments historiques, demanda à Viollet-le-Duc, séduit par sa formation atypique et sa connaissance déjà exceptionnelle de l’architecture médiévale, de restaurer la basilique de Vézelay. C’est à l’occasion du chantier de Notre Dame de Paris qu’il rencontra Jean-Baptiste Lassus, avec qui il travailla aussi sur la Sainte Chapelle. Les deux hommes mettent en avant le “gothique” , c’est à dire l’Art Français, et sont la source d’innovations spectaculaires comme les chimères ou la flèche de Notre Dame, qui sont des inventions. Mieux, Ils se font représenter sur la frise des Rois sur la façade de Notre Dame, dont l’original avait disparu sous la Révolution et dirigent l’avant-garde d’une mystique de la construction : « Les monuments gothiques emportent l'esprit vers le ciel… L'esprit s'élève d'un seul coup à la région des merveilles… ». Cet élan sera la source d’innovations dans l’Art Nouveau par ses aspects médiévaux : tourelles, animaux fantastiques, fenêtres vitraux, créneaux etc. et si aujourd'hui les réalisateurs de cinéma peuvent bénéficier de châteaux du moyen âge plus vrais que nature à Pierrefonds ou à Carcassonne, c’est à cette personnalité attachante du XIXe siècle qu’ils le doivent !
D.L
EXPOSITION DU 20 NOVEMBRE 2014 AU 9 MARS 2015 - CITÉ DE L’ARCHITECTURE & DU PATRIMOINE - PALAIS DE CHAILLOT - 1 PLACE DU TROCADÉRO, PARIS 16 - CITECHAILLOT.FR
Viollet-le-Duc, les visions d'un architecte par Cite-architecture