Dans ce genre littéraire un peu tombé dans l’oubli au-delà du cours moyen, chantent des voix célèbres. Aragon sur le pont Neuf et Apollinaire sur le Mirabeau. Un écho plane au pied de la tour Saint-Jacques, dernier endroit où l’on vit Gérard de Nerval vivant. Théophile Gautier hallucine place Vendôme à la vue du godemiché d’airain. Quel monument de Paris n’a pas son aède ?
À qui la ville n’ouvre-t-elle pas ses bras ? et la Seine… son lit ? Qui pour les étrangers se farde et s’embellit ? C’est une voix puissante qu’on entend, ivre de parti-pris, de démesure et de magie. Rivoli ! Rivoli ! Rivoli ! L’homme qui connaissait toutes les rues de Paris, même celles d’avant Haussmann et prenait les premiers omnibus comme un enfant ses hochets. Des feuillantines à la place Royale, c’est le pas onirique d’un Victor Hugo.
Il est aussi juste de dire qu’il y a un avant Baudelaire et un après. Dans un âge où la forme d’une ville change plus vite que le cœur des humains, l’enfant surdoué, le dandy hachichien étalonnera la grande fracture de la ville, chamboulée de pics et de pioches, en résonance avec son propre déclin affectif. De là et de sa propre famille naitra l’amertume envers ceux, coupables d’avoir fait du mal à Paris. Le vieux Paris n’est plus et l’Art sombre dans une clinique. Tandis qu’en proie à l'alcool, entre deux voyages, Paul Verlaine tire deux balles de révolver sur Arthur Rimbaud.
Seul le naïf peut voir dans ces stances d’auteurs l’ivresse lyrique et parfumée, le voyage en Tartarie sur tapis volant, verbes et calligraphies. Le poète a toujours cette raison qui vient de l’air du temps. Là, réside l’énigme qui touche au cœur, pour l’esprit, j’en reviens à Jacques Roubaud, mathématicien du mot, Lewis Carroll diplômé d’une époque où l’algèbre est reine et le mot transparent, virtuel, réel ou inexistant, mais oyez aussi ce poème métropolitain d’Hervé Le Tellier (1999), et priez que l’éditeur me pardonne.
D.L
Notre Auber qui êtes Jussieu
Que Simplon soit Parmentier
Que ta Volontaire soit Place des fêtes
Que ton Rennes arrive
Sur Voltaire comme Courcelles
Donne-nous Gallieni notre Havre-Caumartin
Et ne nous soumets pas à la Convention
Cambronne-nous nos Défense
Comme nous Odéon à ceux qui nous ont Maraichers
Délivre-nous des Halles
Miromesnil