Ce parcours dévoile tout autant les techniques de mixage que les témoignages fameux, on retient les anecdotes, avec une médiatisation remarquable, table de montage incluse pour vos tests, l’importance de la création, essentielle à une mise en scène réussie, mais la place de la bande sonore n’est pas toujours identique. Par exemple, la musique de Psychose d’Hitchcock ou celle de l’Exorciste font figures de modèle dans un genre qui a le souci du détail pour un maximum d’expressivité.
La musique du film peut également tenir la première place de la distribution - être le sujet même du film. C’est le cas chez Jacques Demy, ses parapluies de Cherbourg ou ses demoiselles de Rochefort (film entièrement tourné en Play-back), dans ces deux cas, le prodige tient de l’association avec Michel Legrand, le compositeur qui porta la comédie musicale à la française à son sommet de popularité. Ce qui lui valut palme d’or et oscars. Une vitalité à composer plus de deux cents musiques pour le cinéma ou la télévision. En 1968, Norman Jewison vint le trouver pour sauver la réalisation de l’affaire Thomas Crown, dont on ne savait que faire pour éviter le pire. Ce qu’il fit en composant la musique originale des moulins de mon cœur, une fois le film entièrement monté ! On connait la suite, une performance éblouissante qu’il ne se priva pas de rappeler lorsqu’il reçut son oscar l’année suivante. Il renouvèlera quelques années plus tard avec un été 42, qu’il sauvera de l’ennui et conclura : « la bonne musique de film doit autant servir le film que la musique ».
Josef Losey et Don Giovanni forment avec Milos Forman et son Amadeus l’aboutissement artistique du film musical autour d’un seul compositeur : Mozart. L’enfant surdoué au destin tragique, reste aujourd’hui la superstar de la musique de film par son omniprésence. D’autres auraient pu bénéficier d’une publicité identique avec des réalisations aussi prestigieuses, mais l’autrichien bénéficie d’une aura légendaire, plaît au public et aux producteurs et semble promis au chef-d’œuvre alors que les autres n’ont pas eu cette chance. Accessoirement, le costume porté par Ruggero Raimondi est présenté dans une salle.
Mozart dicte le Requiem à Salieri dans Amadeus de Milos Forman
C’est aussi la musique du prodige viennois, le concerto pour clarinette, que l’impressionnant Out of Africa met en scène “au pied des collines du Ngong”. Au fond de la brousse, John Barry réalise des arrangements superbes avec une musique qui n’est pas spécifique au film, mais qui le porte par sa force du début à la fin. Dans ce rôle, c’est certainement la VIIe symphonie de Beethoven qui tient la vedette. On l’a entendue récemment dans Le discours d’un roi ou Des hommes et des dieux, mais c’est le cas pour une bonne trentaine d’autres films, au point d’en perdre un peu de force pour certains d’entre-eux. C’est Haendel et Schubert qui font de Barry Lyndon un miracle permanent, le chef l’œuvre de Stanley Kubrick. Dans : 2001, odyssée de l’espace, le new-yorkais supprima toute la musique spécialement conçue pour le film, au désespoir de son auteur, pour la remplacer brusquement au montage par des œuvres classiques de son choix - on vous invite d’ailleurs sur place à comparer les versions ! Un dilemme auquel doit faire face tout réalisateur. On pense à Coppola : la chevauchée wagnérienne dans Apocalypse Now et l’appel à un autre surdoué de la composition : Nino Rota pour le Parrain, une musique servant le film en création originale, cette fois.
Dans ce registre se trouvent certains chefs-d’œuvre inoubliables : les accompagnements de Jean-Claude Petit dans Cyrano de Bergerac, la célèbre musique du film Papillon, le 1492 éblouissant d’exotisme de Vangelis, Danse avec les loups de John Barry, encore. Que de compositions extraordinaires ! The Artist, film muet en hommage au cinéma, doit beaucoup son succès à la superbe musique de Ludovic Bource, offrant également un clin d’œil à l’époque où les musiciens étaient sur le plateau pour accompagner la prise de vue. Des créations vivantes aussi, d’un film l’autre : consécration suprême comme le thème de Camille de Georges Delerue, bande originale du Mépris de J.L Godard , reprise génialement par Martin Scorcèse dans Casino. Scorcèse exprime justement dans une interview, sa vision de la création musicale, illustrée merveilleusement par Raging Bull, une performance artistique avérée.
Une partie de l’exposition est consacrée aux associations réalisateur-musicien avec une galerie de portraits. Les associations qui durent sont particulièrement efficaces comme le prouve celle de Spielberg avec John Williams (Rencontres du troisième type – Les dents de la mer - Jurassic Park). Williams, qu’on entend aussi souvent dans les superproductions US comme Les aventuriers de l’arche perdue ou Harry Potter. D’autres couples célèbres : Francis Lai (auteur de la musique de Love Story) auquel Claude Lelouch demandait d’enregistrer la musique avant le tournage d’Un homme et une femme, et la faisait écouter sur le plateau. Besson et Eric Serra (Léon, Le grand bleu) et d’autres…
La visite évoque aussi les célébrités de l’histoire du cinéma : Jivago de Maurice Jarre, Jeux interdits, prolifique Vladimir Cosma, avec ses trois cents réalisations, les bande-sons préférées des français : Le grand bleu, qui reste aujourd’hui la musique la plus vendue, avec celle de Titanic et celle des Choristes, popularisée dans beaucoup d’écoles.
Les générations récentes auront aussi leurs tubes et leur musique de légende : la belle musique de Narnja, celle de Charly et la chocolaterie, Requiem for a Dream du Seigneur des Anneaux. Ils retrouveront demain ces instants magiques de souvenirs d’enfance où l’on ne comprend pas tout, on ne comprend peut-être même rien d’autre que, précisément, ces détails autour d’une séance, d’un film et toujours d’une musique. Beaucoup de ces instants me sont familiers, ils restent souvent attachés à la musique d’Ennio Morricone. Un bref extrait de Sergio Leone éclaire ces séquences qui donnent la priorité à la musique - La partition avant le scénario :
« Sergio Leone avait commencé par me raconter le film. J’y ai réfléchi, puis
j’ai écrit la musique, que j’ai ensuite fait écouter à Sergio.
Comme il a aimé, je l’ai enregistrée avant qu’il donne
le premier clap. Je ne sais pas dans quelle mesure ma
musique, pour laquelle Sergio avait beaucoup de respect,
a influencé l’ensemble mais, d’après ce qu’on m’a dit, Nino
Baragli, le monteur, a fait attention à suivre le rythme de
mes morceaux. » Il était une fois dans L’Ouest
Il était une fois la Révolution, Mission… Pour tous ceux-là, je me souviens précisément du moment, du film, la première fois, et je fus longtemps incapable d’en raconter l’histoire. Pour Cinéma Paradiso, que j’ai peut-être vu dix fois, je me souviens toujours de la Première.
du 19 mars au 18 août 2013 . www.citedelamusique.fr/musiqueetcinema