250 œuvres réalisées sur toile, sur bâche ou dans le métro. Un artiste des années 80 et une remarquable rétrospective sur son travail, mélange de dessins pop art et de réflexions politiques sur une époque. Avec cette peinture popularisée grâce à ses réalisations dans le métro new-yorkais, on retrouve les thèmes récurrents de ces années-là : l’antiracisme, la menace de guerre atomique est-ouest, la destruction de l'environnement, la lutte contre la religion et l’impérialisme financier, la liberté sexuelle. Un vaste programme corrosif pour un art intelligent rendu avec élégance. En dépit de ce qu’on peut penser des têtes de mickeys, il ne s’agit pas d’un art enfantin mais d’un dessin acidulé, libertaire et arrogant qui couve dans cette exposition…C’est l’une des plus importantes jamais réalisées sur cet artiste (1958-1990)..
…et creuser cette simplicité populaire, ludique mais redoutablement efficace pour marquer les esprits. Artiste subversif, Keith Haring a multiplié les combats tout au long de sa vie. En utilisant la rue et les espaces publics pour s'adresser au plus grand nombre, il n'a cessé de lutter, virtuose du dessin, pour éveiller la conscience du public sur les menaces. C’était très courant à l’époque, particulièrement aux Etats-Unis. En 1985, par exemple, ne se passe pas un jour sans entendre sur les ondes « usa for africa : we are the world » de Michael Jackson et Lionel Ritchie dans lequel on retrouve les mêmes thèmes grandiloquents. Cela donnera le « charity business ». Pour faire court : l’homme blanc « mauvais » représente le pillage, l’oppression, l’esclavage, la cause de la pauvreté. Le crédo de la contre-culture largement couvert par un marketing médiatique important. C’était les années R.Reagan et celles de la lutte contre l’apartheid en Afrique du sud. Haring rêve également de transformer le monde par l’Art dans son domaine, mais n’allons pas trop vite.
Particulièrement doué et marqué par la culture Disney, Haring poursuit une formation à la School of Visual Arts de New York, que fréquentent également Kenny Scharf et Jean-Michel Basquiat. Il développe son propre style, élégant et basé sur la simplicité de la ligne et de la couleur, sans esquisse et souvent sans titre. Il travaille énormément et le succès est rapide. Comme ses amis, il est également impressionné par Andy Warhol, qu’il suit à la découverte de la communauté sulfureuse newyorkaise et ce dernier, en bon business man qu’il est devenu, le pousse à commercialiser son art avec vigueur. Le métro est son laboratoire et le lieu d’une productivité exemplaire de plusieurs centaines de dessins.
A partir de 1986, « le Michel-Ange du métro », on voit d’ailleurs une tête imitant le David dans l’exposition, aborde la commercialisation intensive de son style avec l’ouverture d’une boutique à Soho avec T-shirts, toys, posters, pins et boutons magnétiques à son image. C’est ce qu’on dit : mettre l’art à la portée de tous. Fortement critiqué par une partie des tenants de « l’art pur », il défend sa volonté de rendre ses œuvres abordables à tous pour un prix modique. En France, on se souvient de la campagne dans les mac donald’s, Il a comme sponsors Madonna ou Grace Jones, c’est tout dire. On lui reproche à demi-mots de trop peindre. Il faut qu’il cesse de peinturlurer le premier venu, ça fait trop de dessins, souvent géniaux, en circulation. Il faut penser en terme d’offre et de demande !
« Les dessins que je fais ont peu de choses en commun avec les dessins au sens classique tels qu’ils se développèrent au cours de la Renaissance, ou encore avec les dessins qui imitent la vie ou en donnent une impression proche. Mes dessins ne tentent pas d’imiter la vie, ils tentent de créer la vie, de l’inventer ».
IL produit également des œuvres ambitieuses comme le mur Crack is Wack en 1986, ou celui créé pour le 100e anniversaire de la statue de la liberté, pour lequel il « recrute » 900 enfants. Toujours cette année là, il eut plus de quarante articles de presse dans lesquels il développait ses thèmes favoris : la naissance, la vie, la mort, l’amour, le sexe et la guerre. Les tabloïds le montre en compagnie de ses amis : Bill T. Jones, William Burroughs, Timothy Leary, Jenny Holzer et bien sûr Yoko Ono, la veuve de John Lennon. Dans ses dessins, il fait allusion au beatle apôtre de la non-violence troué de balles en 1980 par « l’attrape-cœurs » Mark Chapman en dessinant un petit homme avec un trou au milieu du corps où sautent souvent de petits chiens. A-t-il lu le roman ce J.D.Salinger qui développe la dépression d’un individu déboussolé devant la prise de conscience de la fin de l’enfance et de l’hypocrisie des hommes ?
« Les seuls moments où je suis heureux, c’est quand je travaille »
Il vient à Paris en 1987 où il couvre le mur extérieur de l'escalier de secours du bâtiment de chirurgie pédiatrique de l’Hôpital Necker de cette iconographie connue par ses tee-shirts : le Bébé rayonnant à quatre pattes. Une silhouette humaine extrêmement simplifiée, qui incarne la vie, la joie et l'espoir. Il aime la France et lit Antonin Artaud, Jean Genet, Alfred Jarry, Roland Barthes, Rimbaud et Sartre.
C’est une très belle exposition promise à un beau succès par la variété des salles (Scénographie : Cécile Degos). Le parcours de l’exposition rend compte des multiples idées de l’auteur, de sa bienveillance à l’égard des exclus et de ses motivations qu’il faut remettre en perspective avec son époque qui était celle de la fin de la guerre froide et du communisme mais aussi de la grande fiesta dans les boites homos à la mode. Malgré son rapport ambigu avec l’argent, il prononcera clairement et systématiquement une critique acerbe du capitalisme, craignait l’intervention de l’ordinateur dans l’Art et fera souvent l’apologie du sexe (masculin) sous toutes ses formes, l’exposition le prouve avec exactitude. Son combat contre le racisme se transformera en rejet du « vil homme blanc ».
En 1985 à la manifestation contre l'apartheid dans Central Park, il fait imprimer 20.000 exemplaires d’un poster Free South Africa qu’il distribue lui-même.
« Toutes les histoires de l’expansion, de la colonisation et e la domination des blancs sont remplies de détails horribles, d’abus de pouvoir et de maltraitance des hommes. Je suis sûr qu’au fond de moi je ne suis pas blanc […] Je me réjouis d’être différent, je suis fier d’être homosexuel. Je suis fier d’avoir des amis et des amants de toutes les couleurs. J’ai honte de mes ancêtres »
Mais sa grande frayeur, c’est la guerre atomique. L’Apocalypse est en marche. En 1988, il visite le musée Mémorial de la Paix d’Hiroshima. Bouleversé, il crée un nouveau groupe d’œuvres évoquant le danger de guerre atomique. C’est pourtant un ennemi plus sournois qui le menace : un virus qu’il représente dans une série de dessins et de peintures sous la forme d’un énorme spermatozoïde à cornes. Il apprend cette année là qu’il est contaminé par le SIDA. Il sait ce que cela signifie : Il meurt de ses complications le 16 février 1990.
C’est à Paris devant le Ritz, place Vendôme, où il avait pris l’habitude de descendre, qu’une partie de ses cendres ont été dispersées par Yoko Ono.
Keith Haring, the political line par paris_musees
"Keith Haring, The Message" la bande-annonce par ARTECreative
Du 19/04/2013 au 18/08/2013 http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/keith-haring