La cuisine au Moyen Âge à la tour Jean sans Peur
Le repas tient une place considérable au Moyen Âge. Une place essentielle, peut-être même la première. Les produits, leur approvisionnement, le personnel, la technique culinaire, la décoration des mets, et les symboles tiennent une place éminente dans la gastronomie et la santé qui ne font qu’un. Chacun y participe également, les femmes, les hommes et même les enfants : les galopins. C’est ce que vous propose de découvrir cette exposition sur la cuisine médiévale…
Pour s’approvisionner, le parisien se rend sur la ceinture verte entourant la ville, pourvue en céréales, choux, raves, navets, fèves, vignes. Aux portes de Paris, se trouve aussi le bétail arrivant sur pied pour être vendu aux boucheries de Saint- Germain, du Châtelet, de Sainte-Geneviève. Le poisson arrive également en grande quantité pour les jours dédiés : un jour sur trois, l’Église prescrit de “faire maigre”. Selon l’importance de la maison, la cuisine peut être un simple coin-cuisine ou un vaste complexe avec poulailler, des lieux de stockage, une aire de boucherie, des potagers et des vergers. La plupart des maisons disposent de puits. Les monastères sont le plus souvent les mieux équipés avec granges, jardins, pêcheries, moulins et brasserie.
Les réserves doivent permettre de tenir au moins une année en cas de famine ou de guerre.
Pour ceux qui ne disposent pas de cuisine ou les voyageurs, les professionnels de l’alimentation proposent à l’extérieur des plats à emporter ou une restauration sur place. Les “fourniers” cuisent depuis leur four mobile posé sur une charrette à bras des petits pâtés, des oublies, et les “chair cuitiers” des saucisses. Le boulanger, quant à lui, propose du pain mais aussi du vin et chez les aubergistes, il est facile de déjeuner sur le pouce d’une “carbonée” (lamelle de lard sur une tranche de pain).
Le pain est l’aliment roi. Sans sel, au froment pour le riche, de seigle pour le pauvre, il est consommé sous différentes formes et entre dans nombre de recettes. Le “potage” désigne tout ce qui cuit dans un pot, la “soupe” est un bouillon riche en vin dans lequel on trempe des mouillettes de pain. Le vin jeune et faiblement alcoolisé est la boisson courante, par crainte de boire de l’eau polluée. Il entre également dans la préparation des bouillons.
La fin du Moyen Âge est une période où la consommation de viande (surtout de bœufs, de mouton ou de porc) atteint des niveaux record. Selon le Mesnagier de Paris, on consomme chaque semaine à Paris 3080 moutons, 514 bœufs et 600 porcs à la fin du XIVe siècle ! Cependant si la noblesse est friande d’animaux jeunes, de viandes rôties, grillées ou de volailles, la masse des paysans doit se contenter de plats bouillis.
Lait (difficile à conserver), œufs et fromages sont aussi consommés en abondance. Un bon fromage doit sentir fort. Chez le riche, le poisson est varié et frais (turbot, carpe, dauphin), chez le pauvre il est séché ou fumé (hareng, morue). Le noble n’aime pas les légumes qui naissent près du sol, ils sont cependant indispensables dans la préparation des bouillons, potages et des “porées” . Les fruits entrent dans la composition des mets et des sauces, débutent le repas en “apéritif” pour ouvrir l’appétit et sont présentés en “desserte” à la fin. Les fleurs servent à aromatiser et à colorer les mets (pétales de rose dans les sauces, violettes dans les omelettes...) Les épices, cannelle, gingembre.., quant à elles, caractérisent la cuisine noble. Elles sont très appréciées pour leurs saveurs, leurs propriétés colorantes et sont censées favoriser la digestion. Elles sont vendues chez l’apothicaire. Tout aliment est aussi médicament.
Le cuisinier du Moyen Âge recherche en premier lieu la sécurité alimentaire et la fraîcheur des aliments. Différentes techniques sont utilisées pour mieux les conserver : surtout salaison mais aussi fumage, séchage, immersion dans du miel ou du vinaigre. Il y a utilisation d’une eau propre (de préférence eau de pluie, de fontaine ou de source) et les mets sont ébouillantés avant d’être cuisinés. Le secret de la cuisine médiévale réside dans la succession des cuissons (mets ébouillantés puis grillés, fris ou rôtis) Pour les temps de cuisson, à défaut de sablier, on utilise un chapelet. La durée est ainsi calculée en temps de prière !
Le second objectif est diététique. Il vise un équilibre entre les quatre humeurs inhérentes à l’homme : bile jaune ou mélancolie, sang, phlegme et bile noire ou humeur colérique. Celles-ci résultent des différents mets consommés, eux-mêmes, classés en quatre catégories : “chauds”, “froids”, “secs”, “humides” .
Les cuisiniers doivent aussi tenir compte des préceptes religieux, qui imposent par exemple de ne pas manger de viande un bon tiers de l’année. Pour satisfaire les palais délicats des nobles, les cuisiniers doivent faire preuve d’imagination (civet d’huîtres, fromentée au marsouin, écrevisses au vinaigre) et n’hésitent pas à transformer le poisson en viande (esturgeon contrefait de veau). Maîtres dans l’art de masquer et déguiser, ils usent alors de nombreux artifices pour offrir aux convives un plaisir gustatif mais aussi visuel. La pièce maîtresse étant, dans les grands banquets, l’entremet. Présenté sous plusieurs formes, c’est un plat pour lequel le maître queux a déployé tous ses talents, ceci afin de mettre en valeur la richesse du maître de maison : tourtes en forme de châteaux miniatures, monstres avec deux moitiés d’animaux cousus ensemble, bosquets d’où s’échappent des oiseaux vivants...
Source : Extraits de la présentation par Danièle Alexandre-Bidon, historienne, ingénieur d’études à l’EHESS http://c-visuel.net/public_html/download/tour-jean-sans-peur/tjsp_dossier-presse_cuisine.pdf
Exposition virtuelle à voir sur la gastronomie médiévale (Bibliothèque nationale de France)
Exposition présentée du 21 novembre 2012 au 3 avril 2013
de 13h30 à 18h mercredi, samedi et dimanche.
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