Le 13 novembre 1812, les restes de la Grande Armée se trouvaient donc concentrés autour de Smolensk par un froid terrible, lorsqu’une série de mauvaises nouvelles annoncèrent que la ville ne pouvait plus être gardée, il fallait retraiter encore plus loin dans de terribles conditions. Les colonnes françaises s’étendent sur plus de 60 kilomètres. les corps de Poniatowski et Junot en tête, Napoléon suit, avec ses 16 000 hommes de la Garde impériale, puis Eugène de Beauharnais, les 9 000 hommes du Ier corps de Davout et enfin les 8 000 hommes du IIIe corps de Ney, qui ferme la marche. Près de 40 000 hommes marchent, désorganisés, entre, dans et autour de ces divisions…
Autour d’eux , “les conditions exceptionnellement pénibles de la vie des soldats russes, qui souffraient du manque de chaussures et de vêtements chauds, qui couchaient à la belle étoile et marchaient dans la neige par dix-huit degrés de froid, sans même recevoir la ration règlementaire, auraient pu faire croire avec quelque raison qu’ils devaient présenter l’aspect le plus triste et le plus navrant. Jamais au contraire l’armée, même dans la situation la plus favorable, n’avait été aussi en train et aussi bien disposée” L.Tolstoï
Venue du Nord, l’Armée de Wittgenstein forte de plus de 40 000 hommes poussait donc devant elle, les restes des corps de Victor et Gouvion-Saint-Cyr qui n’avait pu conserver Vitebsk, un point stratégique essentiel de la route vers le Niémen. L’Armée principale de Koutouzov, forte de 80 000 soldats et 600 canons avec en pointe les Cosaques de Platov et Miloradovitch talonnait Napoléon. Enfin une troisième armée, nouveau danger, se présentait par le Sud, en travers des Français, celle de l’amiral Tchitchagov avec 60 000 hommes. Sur le papier, l’armée russe ne devait faire qu’une bouchée des fantômes de la Grande Armée.
Miloradovitch se présente devant Napoléon pour lui couper la route le 15 novembre mais la garde impériale, commandée par l’Empereur et Mortier, arrive à passer, chose incroyable, au milieu des russes. La faute en a été attribuée à Koutouzov, étrangement passif. Napoléon fit même faire demi-tour à ses troupes pour donner la main à Davout. En toute logique, pas un Français n’aurait dû échapper à l’encerclement mais Koutouzov ne lança pas l’hallali. Le Tsar Alexandre ne pût qu’entrer dans une colère légitime devant l’incurie de son général en chef, mais les russes étaient également affaiblis et laissait-il le général Hiver finir le travail..
« Dans l'après-midi, on a aperçu la Vieille-Garde, entourant Napoléon… les soldats ennemis, tout en observant notre indiscipline mais tenant leurs fusils prêts, ont continué leur chemin sans se hâter. Comme un bloc de granit, ils semblaient invulnérables. Je n'oublierai jamais l'incroyable résolution de ces soldats, pour qui la menace de la mort est une expérience quotidienne et familière. Avec leurs grands chapeaux en peau d'ours, leurs uniformes bleus, leurs ceintures blanches, leurs panaches rouges, leurs épaulettes, ils ressemblaient à des pavots sur le champ de bataille enneigé… Colonne après colonne, nous dispersant avec leurs fusils et se moquant de notre dérisoire chevalerie… La garde impériale avec Napoléon parmi eux traversa les rangs de nos Cosaques comme un navire de 100 canons aurait traversé une flottille de bateaux de pêche » Prince Davidov
A l’arrière, cependant, tout semble perdu pour Michel Ney, encerclé, prisonnier avec ses troupes. Miloradovitch lui offre la reddition, qu’il repousse. Au contraire, il attaque, mais il est taillé en pièces et repoussé.
« Quarante pièces de canon vomirent simultanément leurs flammes et versèrent leur funeste douche sur les assaillants français. La plupart des Russes, criant à l’avance leur "huzza", avait surgi baïonnette au canon et sans un tir de fusil. Une courte lutte sanguinaire s’ensuivit et l’ennemi, ne pouvant tenir tête, fut chassé vers le bas du ravin. Le sommet et les pentes de la colline étaient couverts de Français morts ou mourants ; toutes les armes russes étaient ruisselantes de sang et les blessés, dans leur état désespéré, imploraient "la mort" comme la plus grande pitié qui pourrait leur être administrée. » General Wilson
Une seconde offre de capitulation est faite, qu’il repousse également. Les Russes, sûrs de leur succès, ne bougent pas. Ney, à cette occasion, s’est réfugié dans un bois de bouleau, fait allumer des feux, puis se remet en marche par un chemin suivant une rivière qu’il traverse talonné par les Cosaques, il est poursuivi dans la forêt par les Cosaques de Platov. La marche dura deux jours et deux nuits, dans des conditions abominables, notamment climatiques. Le 20 novembre, il rejoignait avec 1 000 survivants la Grande Armée où il est accueilli en héros.
Les Russes gagnent une grande victoire, la plus grande depuis de début de la campagne. Toutefois, les pertes sont difficiles à estimer pour Napoléon. Peut-être 8 à 12.000 tués et blessés, plus de 20.000 prisonniers, 200 pièces de canon, une énorme quantité de bagages pour à peine 5.000 Russes hors de combat. La bataille de Krasnoï sonnait le glas de la Grande Armée. Cependant, l’armée française s’était échappée.
Source : Laurent Brayard http://french.ruvr.ru/2012_06_24/Campagne-de-Russie-1812-histoire/ La Voix de la Russie Голос России
http://french.ruvr.ru/2012_07_15/campagne-1812/