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  • Artemisia Gentileschi au Musée Maillol



    Artemisia (1593-1654), fille d’Orazio Lomi (qui prend le nom de sa femme : Gentileschi), peintre romain, s’installe au  musée de la rue de Grenelle avec ses figures historiques ou religieuses. Talentueux, mais pas sans défaut, cet hommage soulève un certain nombre de questions en raison des mystères qui entourent l’œuvre et la vie de l’artiste…


    Déjà, en 1997, Agnès Merlet avait réalisé un film à son sujet avec Michel Serrault campant Orazio et ressort à cette occasion dans quelques salles parisiennes. À l’époque, en dehors des amoureux d’Histoire de l’Art, il n’avait pas convaincu le public. Cela, en dépit d’une photographie superbe et d’un scénario “artistiquement correct” : Une des premières femmes peintres, très douée, guidée par son père, est refusée par le cénacle académique italien, d’abord en raison de son sexe, mais aussi parce qu’il n’est pas convenable qu’une jeune femme peigne des nus. Elle vit, en outre, une relation affective ambigüe avec son compagnon, qui ne lui apprend pas uniquement à manipuler les pinceaux et sera oubliée ensuite dans l’histoire de la peinture après une brève période de gloire.

    judith tuant holopherne (A.Gentileschi) Museo Nazionale di Capodimonte (1612)Une vie artistique marquée par cette relation avec les hommes et qui se projette dans son œuvre maitresse, dont vous voyez sept représentations différentes à l’exposition : “Judith coupant la tête d‘holopherne”. Une obsession dont l’origine serait le viol avéré dont elle fut victime de la part de son compagnon : Agostino Tassi et aurait provoqué une inclinaison mortifère. Là où certains voient une inspiration féministe, d’autres  y trouvent aussi une symbolique de la résistance et du nationalisme juif : Judith, symbole de la résistance à l’occupation assyrienne en égorgeant le tyran qui menace son peuple. On voit aussi Yaël enfonçant un clou dans la tempe du général Sisera endormi.

    Personnellement, je n’ai pas été convaincu par toutes ces histoires. Je me demande si on n’en fait pas un peu trop en parlant de génie oublié et si on ne projette pas notre sensibilité sur cette artiste, certes très douée, à des fins qui ne sont pas uniquement artistiques. J’ai été surtout dérouté par le fait que certaines œuvres, réalisées à 20 ans, sont plus matures et achevées que d’autres, bien postérieures.
    Curieusement, l’exposition n’est pas chronologique, les années napolitaines (1630) sont en premier, au rez-de-chaussée et devraient à l’évidence montrer l’apogée de son art, c’est loin d’être le cas.
    Par ailleurs, si les drapés et les agencements de couleurs sont remarquables et exceptionnels sur la plupart des toiles, je n’ai pas trouvé la même qualité dans les représentations des visages et des corps, très peu d’émotion, certaines erreurs aussi dans les volumes.
    Pourquoi cette production inégale ? Sa vie artistique semble assez bien connue entre Rome, Florence (elle entre à l’Académie de Dessin en 1616) et Naples, mais Artemisia a laissé de nombreuses œuvres qui ne sont pas signées ou documentées. Mystère. Au premier étage se trouve les années de la jeunesse romaine avec une stupéfiante Sibylle qui pourrait être Artemisia et signée par son père, Orazio. Le père et la fille, peut-être la clé de cette histoire.

    Orazio Lomi Gentileschi, Sybille Houston , Museum of Fine Arts
    À mes yeux, le mérite du musée Maillol  est certainement de faire preuve d’audace devant toutes ces questions, tout en proposant quelques pistes, mais sans toutefois expliquer qu’elle ait été oubliée pendant trois siècles et redécouverte il y a peu.


    Alexandra Lapierre au sujet d’Artemisia sur France Inter.

    Artemisia, pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre
    du 14 mars au 15 juillet 2012 http://www.museemaillol.com/