Paul Cézanne (1839-1906) est en vedette au musée du Luxembourg pour une exposition un peu surprenante par son titre, évocateur, un peu trompeur, de celui qui se donnait pour mission de peindre la nature, de donner du volume par la couleur.
“j’en reviens toujours à ceci : le peintre doit se consacrer entièrement à l’étude de la nature”.
En réalité vous ne verrez lors de cette exposition qu’un seul tableau-titre, celui, panoramique, des toits de Paris, peut-être des tonneaux de la halle aux vins, la seine à Bercy comme Guillaumin, une rue déserte de Montmartre, mais très peu, trop peu.
La ville ne l’intéresse pas, ce qui l’intéresse, c’est de visiter le Louvre et de s’inspirer des classiques, de Poussin, des baroques italiens, de Rembrandt, Delacroix et de s’en inspirer pour son propre destin, remplacer la ligne par la chromatique, il y passe des heures, des jours, mais sans haine ni rancune.
Paris, ce sont de mauvais souvenirs qui reviennent, ceux de l’échec aux beaux-arts en 1861, des souvenirs qui marquent une vie. Il vient aussi retrouver ses amis, son marchand de tableaux, Ambroise Vollard, retrouver Emile Zola aussi, qui fut élève avec lui au collège Bourbon à Aix-en-Provence en 1852.
Et voilà, le sujet, le Paris de Cézanne, ce n’est pas le grand chambardement, c’est la campagne : Auvers-sur-Oise où il peint le docteur Gachet, Pontoise où se trouve Pissarro, Melun, les bords de la Marne, Chantilly, Maisons-Alfort, Issy-les-Moulineaux où se trouve Guillaumin, Giverny chez Monet, où il croise Rodin, Henri Geoffroy et Mary Cassatt. Cézanne ce n’est pas le génie de l’instantané, de l’impulsion, c’est l’acharné, le laborieux, le perfectionniste, l’exigeant : il impose 30 séances de pose à sa femme, quelquefois beaucoup plus pour des sujets compliqués, 112 séances pour Ambroise Vollard mais toujours inachevé ! Paris bouge trop, est trop compliqué à peindre et change souvent.
Une bourrasque, un orage et tout est à recommencer. La montagne Sainte-Geneviève n’est pas la montagne Sainte-Victoire. La nature est son vrai sujet, la forme pure, il laissera 80 Sainte-Victoire, diabolique. Son impressionnisme ce sont les volumes, pas les couleurs, ce qui peut décevoir chez les amoureux des effets lumineux, c’est ce vert pâle, que vous retrouverez souvent tristement sur des papiers peints de cuisine, ces regards piqués, ces visages pâles, ce bleu-nuit, ce jaune-sombre, ce gris, ces ocres. La couleur ne l’attire que si elle peut se traduire en forme, obsessionnel.
Une ambition considérable qui lui vaudra d’ailleurs tous les échecs, et qui en feront le génie de la nature morte, de l’insatisfaction chronique, dix ans de réussites, peut-être moins, gloire posthume au travers d’autres.
Même Zola, pourtant son meilleur ami, finira par se lasser : « Paul peut avoir le génie d'un grand peintre, il n'aura jamais le génie de le devenir » un Claude Lantier dans l’Œuvre, un peintre maudit ? Mais précurseur, père spirituel des Matisse, Braque, Picasso, à vous de voir, ou de ne pas voir.
Faites votre choix. Son choix à lui était celui d’une recherche obstinée. «Nous allons vers les admirables œuvres que nous ont transmises les âges, où nous trouvons un réconfort, un soutien, comme le fait la planche pour le baigneur» ; Cézanne, c’est compliqué, c’est le doute permanent, mais c’est diablement efficace.
Visite guidée : l'expo "Cézanne et Paris" avec... par telerama
Cézanne et Paris. Musée du Luxembourg. Du 12/10/2011 au 26/02/2012. 12 ou 7,5€. 19 rue, de Vaugirard 75006 Paris Métro Saint-Sulpice ou Mabillonwww.museeduluxembourg.fr