Sous cette exposition au titre un peu pointu se cache une véritable surprise. Je ne connaissais Gertrude Stein que depuis sa mise en scène dans “Minuit à Paris” et cette soudaine popularité m’intriguait. Je ne regrette pas d’être allé plus loin.
Les Stein sont une famille de collectionneurs mécènes américains installés à Paris où ils sont venus dénicher les étoiles montantes de la peinture moderne. Entendez, à cette époque 1900, les héritiers de Cézanne. Ce sont deux couples, l’un : le frère et la sœur, Léo et Gertrude, vivant au 27 rue de Fleurus ; l’autre : un frère Stein, Michael et son épouse Sarah au 58 rue Madame. Dans le quartier de Saint-Germain-des-Près, cela va de soi.
Dans cette famille d’esthètes fortunés, Léo est expert d’Art, auteur d’un “ABC de l’esthétique” alors que la préférence de Gertrude va à l’écriture, dans un style itératif, peut-être un peu rébarbatif, les exemples sonores sont précieux mais édifiants, genre : “Rose is a rose is a rose is a rose”. Mais ils n’ont pas leur pareil pour dénicher les artistes en devenir. Picasso est le plus symbolique, qu’ils rencontrent en 1905. La salle cubiste des Picasso est vraiment remarquable et le portrait de Gertrude saisissant (1906). Ils animent chez eux des soirées d’artistes, d’écrivains américains, Joyce, Fitzgerald, Hemingway, le samedi soir, à 18h chez les uns, à 21h chez les autres.
Rue Madame, chez Sarah, la préférence va à Matisse, chef de file de la révolution coloriste avec Derain, Manguin, Vlaminck. “le fauve des fauves” exhibe une débauche de couleur qui marque l’époque et tranche dans la grisaille environnante. La salle qui lui est consacrée est vraiment exceptionnelle.
C’est un instant magique pour celui qui voit pour la première fois la femme au chapeau (1907), j’ai eu du mal à décrocher. Que Matisse ait fait scandale, c’est surement anecdotique ; que ce soit un immense artiste, c’est une évidence qui est clairement perceptible au Grand Palais.
Une partie très intéressante détaille aussi son “Académie de Matisse”, qui était située au 27, rue Oudinot.
Les Stein et d’autres y prenaient des cours et on peut voir les notes prises par Gertrude.
Ce qui fait le charme de cette exposition, c’est aussi l’abondance de photos et de films d’époque qui montrent les protagonistes en situation. Particulièrement l’intérieur des appartements avec les toiles et les photos de famille. Cela permet de s’offrir une parenthèse conviviale et moins abstraite que l’unique perception des œuvres. Au fil de ces photos, on voit Léo, Sarah, Matisse, Picasso et Alice Toklas, la compagne de Gertrude. Cuisinière, secrétaire, confidente, amante, muse, éditrice et critique, effacée et timide, toujours en retrait ; Gertrude ira jusqu’à écrire elle-même l’autobiographie de sa muse, ce qui lui apportera enfin la gloire littéraire.
Quand Alice est apparue, Léo a quitté la rue de Fleurus et la collection fut divisée (1913) ; mais les deux femmes continuèrent à servir l’art et la littérature dans leur salon, des années vingt jusqu’à la fin, jusqu’à l’exil dans le Bugey pendant l’occupation. On regrettera seulement l’absence de documentation sur ce sujet controversé. À voir absolument.
L'aventure des Stein au Grand Palais de Télérama sur Vimeo. (note : Le Grand Palais n’exporte pas ses vidéos mais je vous conseille celle de Cécile Debray : http://www.rmn.fr/stein )
L’exposition vue par Canal Académie :
5 octobre 2011 - 16 janvier 2012
Ouverture tous les jours y compris le mardi du vendredi au lundi de 9h à 22h, le mardi de 9h à 14h, le mercredi de 10h à 22h et le jeudi de 10h à 20h.
Pendant les vacances scolaires ouverture tous les jours de 9h à 23h, y compris le mardi.
Fermeture exceptionnelle à 18h les 24 et 31 décembre. Fermé le 25 décembre.
Tarifs : 12 € - Tarif réduit : 8 € (13-25 ans, demandeur d’emploi, famille nombreuse) – Audio guide 5 €
Gratuité pour les moins de 13 ans, bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse.
http://www.rmn.fr/francais/les-musees-et-leurs-expositions/grand-palais-galeries-nationales-9/expositions/matisse-cezanne-picasso-l-aventure