Petite et Grande Histoire des rues de Paris par Bernard Stephane
Albin-Michel nous propose une réédition du livre sur l’histoire des rues de Paris de Bernard Stephane, auparavant en deux parties. Ce spécialiste du vieux Paris est chroniqueur à Métro après l’avoir été au Figaro et à France-Info. Il est également l’auteur d’un dictionnaire des noms de rues. Autant dire qu’il maîtrise parfaitement son sujet et aime régulièrement en augmenter le contenu, ce qui nous donne maintenant un volume important.
Ce n’est ni la lecture d’une soirée, ni une référence. Le contenu est disposé par arrondissement et retient l’attention, moins par l’érudition ou l’histoire que par un regard anecdotique et chaleureux sur l’endroit, particulièrement sur son nom et ceux qui l’ont fréquenté, ainsi Necker, Eginhard, Volta, Rachel, Férou, Nicot, Philidor, Payenne…, des rues, des noms célèbres et souvent oubliés.
Par son format pratique, il se prête bien aux promenades ou aux flâneries sur les lieux. On regrettera surement qu’il ne contienne ni plan, ni photo, mais est-ce bien nécessaire ? On peut même le trouver austère au premier coup d’œil : ce n’est qu’une illusion. À la différence d’un cheminement dans Paris, ici, c’est vraiment la poésie de la rue qui domine.
On y apprend, quelques exemples, que la rue des bons-enfants est un souvenir de treize écoliers pauvres de l’ancien collège autorisés à mendier dans les rues de Paris ou que la rue de la reine de Hongrie n’est pas un hommage à la femme de Louis XIV mais à une vendeuse des Halles qui lui ressemblait et y avait son logis. Brillat-Savarin habitait rue des filles Saint-Thomas et non pas dans la rue du XIIIe qui porte son nom aujourd’hui, la bièvre coulait à cet endroit à l’époque : les fromagers du quartier vont être déçus. Fouché, chargé par Bonaparte de la police et de la pudeur de Paris rebaptisa la rue du tire-boudin en rue Marie Stuart, bien plus convenable. Idem, la rue de la pute-y-muse devenue rue du petit-musc.
Restif de La Bretonne habitait rue de la bûcherie, de là, il menait ses expéditions nocturnes dans la ville, celles qui le firent surnommer le “Jean-Jacques des halles” ou le “Voltaire des femmes de chambre”. Toutes celles qui couvrent de leurs baisers rouges la tombe d’Oscar Wilde au Père Lachaise peuvent se rendre rue des Beaux-Arts au numéro 13, il y est mort le 30 Nov. 1900, et y était descendu avec le pseudonyme de Sébastien Melmoth. L’hôtel existe toujours. Selon ses propres mots, il pouvait résister à tout, sauf à la tentation. Et ainsi de suite… on ne s’en lasse pas. On retrouve un peu de Jacques Hillairet dans ce livre, mais sans le souci d’exhaustivité historique, plutôt une réelle volonté de faire connaître ces inconnus qui ont donné leur nom à nos rues et ceux qui les ont animées.
L’architecture et les bouleversements de l’histoire laissent le pas aux personnages qui ont fréquenté le pavé ou les bornes chasse-roues.
Au final, c’est certainement un livre qu’il faut avoir dans sa bibliothèque de Paris ou dans sa poche et qui offre beaucoup à celui qui prend le temps d’apprécier l’histoire posée là par ceux qui y ont promené leur ombre. S’il n’est pas exhaustif et laisse nombre d’endroits fameux de côté (rue du fg Saint-Antoine, rue Saint-Honoré, certains maréchaux des boulevards), l’auteur s’attache à ces rues avec une vraie ambition poétique et artistique. En ce sens, on observe ces locataires illustres dans une composition, ou un tableau, cent fois redessiné, on le devine, chez l’auteur. Au fond, comme je le pressentais, les photos ne sont pas nécessaires, puisque ce sont ces héros qui font les gravures de la rue de Courcelles, de la rue de la Tombe-Issoire, de la rue Bobillot ou d’autres. Et c’est une eau-forte de Coluche qui conviendrait rue Gazan ou de Serge Gainsbourg, rue de Verneuil.
Albin-Michel septembre 2011 EAN13 : 9782226230621 584 pages Prix : 24.00 €
http://www.albin-michel.fr/Petite-et-Grande-Histoire-des-rues-de-Paris-EAN=9782226230621