C’est un rendez-vous bien curieux que nous propose la mairie de Paris à l’hôtel de Ville, sur les lieux même où se joua, jadis, de nombreuses scènes du drame. Le dispositif est difficile à comprendre, c’est une mise en bouche et il faut se rendre au réfectoire des Cordeliers pour voir la suite “sur les œuvres sociales de la commune”, et enfin au Petit-Palais pour assister aux “conférences”.
Je trouve ce montage un peu compliqué et cette première partie, édulcorée, n’est pas à la hauteur de la tragédie que fut cette triste histoire. L’exposition est chronologique et repose sur la série des évènements de 1870-1871 qui sont mis en lumière par des documents, quasi exclusivement photographiques, dont beaucoup sont d’ailleurs archi-connus, et se succèdent comme dans un magazine.
Ensuite, les photos qui risqueraient de choquer n’y figurent pas et aucune pièce authentique d’époque, qui n’est pas un livre ou une photo, n’est présenté. Vous n’y verrez pas un bouton de guêtre, pas un fusil, plutôt curieux. Car enfin, il faut bien expliquer comment cette République, “qui était si belle sous l’Empire” en est venue à faire ce que ni Louis XVI, ni Charles X, ni Louis-Philippe n’ont osé faire dans des conditions semblables, à savoir massacrer hommes, femmes, enfants et écraser cette révolution “qui passe, tranquille et belle comme une rivière bleue” (Jules Vallès).
Pourquoi ? parce que la Commune est l’exemple même de la révolution “récupérée” par le mythe, qui met mal à l’aise, et échappe à notre modèle.
Le communard, s’il est ouvrier, majoritairement, est avant tout parisien et membre de la garde nationale et en porte l’uniforme. En premier lieu, il ne défend pas la “cause ouvrière”, mais Paris. Et il a peur, très peur même. Peur des Prussiens, d’abord, internationaliste ? pourquoi n’a-t-il pas ouvert les bras aux “frères” allemands ? peur aussi de payer l’addition qui risque d’être salée. Fier aussi, fierté populaire des faubourgs, de cette masse informe et précaire, 1.800.000 habitants à Paris, 500.000 ouvriers, 300.000 communards. Quand tout le monde fuit, Napoléon III et Eugénie en Angleterre, Thiers et Mac-Mahon à Versailles ou Bordeaux, Gambetta qui part en Espagne, Hugo qui ne se presse pas pour rentrer, Blanqui toujours enfermé en province. Et ils sont trahis par tous , Trochu, Jules Favre, Vinoy le mitrailleur, par la province qui ne suit pas et abandonne la partie. En face aussi , chez les “Versaillais”, les “seine-et-oisillons”, la peur domine, peur de l’ouvrier, du terroriste, des pétroleuses, de la rue fiévreuse, des souvenirs de 93, et volonté de se concilier l’Allemand vainqueur.
Alors sort le drapeau rouge, le drapeau de la révolte, après un siège terrible où on mange du chat et du rat, dans le froid, où les canons allemands bombardent la ville. Certains enfants meurent dans les rues. Les communards sont avant tout des fédérés, membres de la garde nationale, auxquels on va supprimer leur maigre allocation et qui ont payé eux-mêmes les 300 canons que Thiers leur demande de rendre. Ils savent qu’ils vont payer la défaite des autres, des Mac-Mahon, Chanzy sur la Loire, Faidherbe au Nord, Trochu à Buzenval, de Bazaine qui capitule à Metz. Non, Mr.Casselle, 1871, ce n’est pas “une révolution généreuse et utopique” , ce n’est pas l’illusion lyrique de 1848, c’est l’indignation, l’humiliation, malgré leurs canons , leur armée, leurs forts, leurs 35km de fortifications, Paris va voir des Allemands défiler sur les Champs-Élysées, la République accepter la reddition et payer tribut à l’envahisseur pour les fautes des autres.
Alors la haine monte et la raison fuit, tous sont mis dans la même sac, pêle-mêle, l’Empire, Thiers, l’Église, la Monarchie, les Allemands, les paysans qui constituent l’armée versaillaise, alors reviennent les échos des anciens de 1789, de la levée en masse, du comité de salut public et du calendrier révolutionnaire. Les révolutionnaires professionnels, les fidèles du vieux Blanqui, se mélangent à la populace et à beaucoup d’inconnus, Tridon, Eudes, Vaillant, Ranc, Rigault, Duval, Ranvier, Ferré, Protot, Vallès, Grousset, Cournet, Mortier , des femmes, louise Michel, bien sûr, mais d’autres aussi, nombreuses, très nombreuses, et des enfants Vaxivière 13 ans , héros à la porte Maillot, Thiebaut 14 ans, de Saint-Cloud, le peuple de Paris se bat dans l’héroïsme, sans chef, sans ordre, sans espoir.
Dans l’hystérie, la République fusille à Monceau, sur les buttes, sur les boulevards. Tout ceux qui ont de la poudre sur les mains sont embarqués. Alors la Commune organise les barricades, la flambée de la ville, Tuileries, Palais de Justice, hôtel de Ville, Palais d’Orsay… Exécution d’otages, Paris devient l’enfer sur Seine. Delescluze, Dombrowski, Vermorel et Varlin tomberont sur les barricades et l’ivresse de la semaine sanglante finira sur les tombes du Père Lachaise (20.000 morts).
Vous ne verrez jamais de film sur la Commune, il n’y aurait jamais assez de figurants. Les chiffres sont effrayants. Sur 80 membres de la Commune en fonction au moment de l’entrée des Versaillais dans Paris, 47 sont condamnés à mort par contumace. Les 26 conseils de guerre jugent 36.309 prévenus et condamnent 10.137 d’entre eux : 93 à la peine de mort (70 sont graciés) : 251 aux travaux forcés ; 4.586 à la déportation ; 4.606 à des peines de prison et 55 enfants sont envoyés en maison de correction. L’amnistie sera votée en 1880. Les monuments seront reconstruits, à l’exception du palais des Tuileries, trop marqué par les anciens régimes honnis, royalistes et bonapartistes.
“L’insurrection de la commune est avant tout d’essence patriotique. Les Parisiens n’ont pas supporté de voir les Prussiens défiler sur les Champs-Élysées. Ils ont redouté que les canons qu’ils avaient offerts, de leurs deniers, à la défense Nationale, et qui étaient parqués à Montmartre, ne fussent enlevés pour être remis à l’ennemi d’hier. La Commune ? un refus. Elle est pleine d’intérêt, la comparaison d’A.Sanguinetti entre l’insurrection du 18 mars 1871 et l’appel du 18 juin 1940, prononcé depuis Londres par C.de Gaulle. Que les artisans de ce refus aient été aussi des révolutionnaires, c’est une autre évidence. En 1871, le refus est de Gauche” Alain Decaux – Blanqui l’Insurgé
Exposition "La Commune - 1871, Paris capitale... par mairiedeparis
La Commune de Paris, vue par France5.