Vous serez accueilli par Jean-Jacques Rousseau dans la première salle de cette exposition au parcours étonnant sur le bouleversement que connurent les jardins français au tournant du dix-huitième siècle.
Le buste de Jean-Jacques par Houdon donne à cet amoureux de la nature, à juste titre, sa place dans la nouvelle mode.
Inspirateur ? Propagandiste ? Surement ! À la géométrie du jardin à la française, symbole de la nature domestiquée par l’homme répond maintenant le jardin pittoresque. D’inspiration anglaise, comme beaucoup d’autres choses en ce siècle, le jardin retrouve la nature vraie, celle du jardin d’Éden, ou l’homme vivait dans l’harmonie et le bonheur, ou plutôt le rêve de cet homme sensible, bon sauvage. Cascades, grottes, rochers, rivières, embarcations conduites par Charon sur le Styx, belvédères, orangeries, colonnes antiques, ménageries, moulins… l’hymne à l’émotion s’opposant à la rigidité de l’espace ordonné qui prévalait auparavant.
Jean-Jacques s’exercera à Ermenonville et aura sa dernière demeure dans le décor moins bucolique du Panthéon, auréolé d’un hommage éloquent digne d’un prophète : “ici repose l’homme de la nature et de la vérité”. Esprit des lumières, pensez à lui.
“En entrant dans ce prétendu verger, je fus frappé d'une agréable sensation de fraîcheur que d'obscurs ombrages, une verdure animée et vive, des fleurs éparses de tous côtés, un gazouillement d'eau courante, et le chant de mille oiseaux, portèrent à mon imagination du moins autant qu'à mes sens ; mais en même temps je crus voir le lieu le plus sauvage, le plus solitaire de la nature, et il me semblait d'être le premier mortel qui jamais eût pénétré dans ce désert” JJ.Rousseau – La Nouvelle Héloïse.
Une frénésie de naturalisme s’empara de la société mondaine fortunée. Une vraie “folie”, comme celle du duc de Chartres, futur d’Orléans et futur Égalité. Toujours soucieux de donner le ton à la cour et de fournir des preuves de son tempérament “Éclairé”, il fit de Monceau une perle rare en son écrin.
On y trouvait “ l’île des moutons “, “ le moulin à eau et le pont qui y conduit “, “ le moulin hollandais “, la “ vigne italienne “, des « tentes turques “, les “ ruines du temple de Mars “, le “ temple de marbre blanc “ (actuellement dans l’île de la Jatte), “le cirque ou la naumachie”, vaste bassin bordé par des colonnes corinthiennes avec un obélisque sur une île évoquant une naumachie antique, “une vue de la hauteur du minaret”, “un tombeau égyptien”. Il demanda une copie pour son château du Raincy.
D’autres, beaucoup d’autres, suivirent : le fermier général Laborde à Méréville avec son pont rustique en bois, Beaumarchais près de la Bastille, jusqu’à Marie-Antoinette elle-même, en plein Versailles, au hameau du petit Trianon, qui s’habillait en bergère et nourrissait ses moutons. Le financier et parlementaire Le Peletier fit construire son petit paradis à Mortefontaine. Le financier Nicolas Beaujon, libertin et philanthrope, fit construire une folie du côté des Champs-Élysées et un mausolée à coupole proche d’une petite maison destinée aux fêtes galantes.
L’une des trois serres est chauffée pour abriter douze figuiers en caisse, quarante-deux orangers et des centaines de pots de fleurs sont plantés d’œillets, de lilas de Perse et de giroflées. Teresa Cabarrus, future “Notre-Dame-de-Thermidor” construira sa “chaumière” Cours-la-Reine. Plus tard, Caroline, duchesse de Berry, fera de “son cher Rosny” une petite merveille. Idem Chateaubriand à “la vallée-aux-loups”, George Sand à Nohant.
Mais celle qui excella dans ce domaine c’est, bien sûr, Joséphine de Beauharnais.
Coquette et dépensière, la belle créole avait tout pour réussir dans l’Art botanique. Tout d’abord, le souvenir de sa Martinique natale : “l’ile aux fleurs”, petit paradis de verdure et de plantes rares. Mais aussi la liberté et les moyens de réaliser ses rêves : ce fut la Malmaison à Rueil. Plus de 3000 pieds de roses, des plantes exotiques inconnues jusque-là, hibiscus, magnolias, dahlias etc. “selon l’état dans lequel ils se trouvent dans la nature” . Elle souhaita l’acclimatation des graines d’Amérique “source de prospérité pour la France”.
Bonaparte l’écoutait, mais n’accordait que peu d’importance à ce qu’il considérait comme “des caprices de banquiers”. Il préférait, de loin, la forêt de Fontainebleau. On n’est pas surpris.
Vous terminerez donc cette exposition avec Joséphine.
Notons, pour une fois, un parcours très bien éclairé et parfaitement documenté, ce qui devient rare dans les expositions. Seul le réveil de gros ventilateurs, un peu trop sonores, peut perturber votre visite. Cela dit, ils nous rappellent que l’art des jardins, c’est du rêve, certes, mais avant tout de la technique. Même aux grosses chaleurs de l’été, ils vous donneront un peu de fraicheur.
Du 8 mars au 17 juillet 2011, tous les jours sauf lundi et jours fériés de 10h à 18h. Musée de la Vie Romantique . 16, rue Chaptal, 75009 Paris.
le site de l’expo
Les jardins romantiques par paris_musees