Pierre-André Hélène nous propose une nouvelle exposition sur le mythe des courtisanes au musée Maxim’s. Chacune a une chambre et se trouve entourée d’objets, photos, caricatures, bijoux et robes du soir d'époque. Présentées dans un authentique décor Art Nouveau, on reconnaît aussi des demoiselles d’opéra de la fin du XVIIIe siècle ou de très récentes figures qui ne portent plus le nom de courtisanes, mais en ont conservé le goût pour la célébrité, pour l’argent… le scandale... dans les médias : un clin d’œil à l'actualité !
Taille fines, jupes bruissantes et chignons haut perchés, l
es courtisanes de la Belle Époque ont élu domicile au musée Maxim’s et le connaisseur les suit au fil des salles : Liane de Pougy, Caroline Otéro, Geneviève Lantelme, Émilienne d’Alençon... accompagnées du mobilier et d'objets d'art signés par les plus grands noms de cet art éphémère et total, de Gallé à Majorelle, en passant par Gaudi et Tiffany, les merveilles de la collection Art Nouveau de Pierre Cardin.
Elles défilent en froufroutant sur un parcours jalonné d'anecdotes savoureuses. C'était l'époque où les femmes étaient mineures, dépendantes et n'avaient d'autre suffrage universel que celui que leur beauté pouvait leur apporter ; pour seule valeur, celle de l'argent qu'elles parvenaient à glaner auprès de ces messieurs à l'uniforme noir, portant barbe, cigare et chapeau haut de forme, préoccupés par le cours de l'emprunt russe et les courses de chevaux. Si le cœur de ces hommes était souvent aux folies bergères, c'était chez Maxim's que se déroulait la grande noce : « le saint des seins » comme on disait. Un mauvais lieu où la débauche conservait un certain chic, le style anglais dans son nom et un certain bon genre « quand même »
La littérature, le théâtre et l'opérette s'emparèrent du phénomène tel Feydeau avec sa « dame de chez Maxim's » où le vaudeville est poussé à son paroxysme : Mr. Petipon, respectable médecin parisien, découvre, après une nuit de beuverie passée dans le fameux restaurant, qu’il a ramené chez lui la Môme Crevette, personnage principal de la pièce et danseuse célèbre du Moulin rouge, et espère la cacher à sa femme. Une histoire de quiproquos et de malentendus qui aura un succès incroyable, assurera la réputation de l'établissement et verra affluer des cohortes de demi-mondaines prêtes à tout pour trouver l'oiseau rare.
"La Dame de chez Maxim's" de Feydeau : la "Môme crevette" chante
Le bruit courait aussi que, chez Maxim's, se commettaient les pires excentricités, qu'on y buvait le Champagne dans les souliers des dames et que certaines circulaient sur des plateaux géants, garnies par du persil et portées sous le nez des convives ! Si ce n'était que des rumeurs, il était cependant avéré qu'on y dansait des hymnes toujours plus lascifs quand l'heure et la nuit avançaient. C'est aussi dans ce décor qu'eurent lieu de célèbres duels d'élégance entre tourterelles. Un soir, Caroline Otéro arriva littéralement couverte de bijoux. Elle en avait mis partout, une véritable boutique de joaillerie ambulante, qui provoqua dans la salle des Oh ! des Ah ! des cris d'admiration... Soudain, arriva Liane de Pougy, tout de noir vêtue et sans le moindre bijou, contraste évident avec sa rivale. La salle, stupéfaite, fut prise d'un silence glacial, une surprise suivie par l'apparition de la femme de chambre de Liane, portant une robe couverte d'une grande partie des bijoux que sa maîtresse y avait fait coudre. Alors, la salle applaudit, les hommes se levèrent et le célèbre maître d'hôtel Hugo, surnommé « l'homme qui rit » se fendit d’un rire bruyant, laissant voir sa dent d’or, ornée d'un brillant. Otero, furieuse, jura en espagnol avant de quitter la salle, outragée.
La fortune vient en dormant, mais surtout pas seule !
Caroline Otéro
Liane, la femme-fleur raffinée, peinte par Boldoni et Caroline, la danseuse exotique à la taille de guêpe, font partie de l'histoire de Maxim's, il est donc naturel de les y retrouver en bonne place dans cette exposition, quelquefois caricaturées par Sem. En revanche, la filiation avec ces glorieuses aînées de certaines célébrités actuelles des médias (dont une certaine Valérie.T et Zahia) ne vient pas immédiatement à l'esprit. C'est pourtant la conclusion, toute teintée d'humour, à laquelle arrive l'accrochage, et de fait, l'argent et le pouvoir se trouvent bel et bien maintenant dans les partis politiques, à l’Élysée, à la télé ou sur les terrains de football ; les hommes ont changé mais les courtisanes suivent toujours la bonne piste.
D.L
Visite en français tous les jours – sauf lundi et mardi - à 15h15.
Tarif 15e. Durée : une heure quinze. Il n’est pas nécessaire de réserver. Musée Maxim's Pierre Cardin 3 rue Royale Paris 8e
http://www.maxims-musee-artnouveau.com/caricature.php