prématurément en 1832, mais l’expédition lancée en 1830 réussira et prendra 7 ans !
Champollion lui-même choisit les obélisques. Le sultan d’Egypte n’avait que peu d’intérêt pour ces aiguilles à l’entrée d’un temple païen à moitié ensablé et imaginait par cette offrande la possibilité d’une alliance diplomatique. Des deux gardiens qui ornaient la façade du temple, un seul s’est retrouvé à Paris. Le voyage du premier fut si laborieux que le second resta en place. Il sera restitué officiellement à l’Egypte par François Mitterrand en 1981 et se trouve toujours aujourd’hui devant l’extraordinaire temple d’Amon-Rê à Louxor. Une représentation vivante de l’âge d’or des deux frères jumeaux de l’antique Thèbes aux cent portes figure dans les aventures d’Alix du dessinateur Jacques Martin, elle est reprise sur le parcours de l’exposition.
C’est au polytechnicien Apollinaire Lebas que revint la périlleuse tâche et finalement l’immense gloire de transporter le lourd fardeau à travers la méditerranée, de longer l’Atlantique, la Manche puis enfin la Seine, jusqu’à Paris. Il faut remonter à la Renaissance, voire même aux Romains pour trouver des expéditions comparables. Alain Niderlinder et Marie-Pierre Demarcq nous racontent cette aventure jalonnée d’obstacles et de multiples péripéties dans une scénographie qui utilise les belles maquettes restées au musée de la Marine et des reconstitutions 3D sur écran. Des cataractes du Nil jusqu’à la place de la Concorde, l’expédition a su faire face aux épidémies de dysenteries, à la Bilharziose, aux divers problèmes techniques qui vont du démontage sur place à l’embarquement d’un monument mesurant 23 m de long et pesant 230 tonnes, en passant par la construction de deux bateaux adaptés au voyage, baptisés le Louxor et le Sphinx. Son socle endommagé a été reconstruit à partir de granit prélevé en Bretagne. Le détail est important : l’Obélisque présente des fissures menaçantes, n’est pas planté en terre et n’a pas de courroie de maintien ! Le monstre a failli envoyer son fier équipage par le fond à plusieurs reprises et certains matelots ne revirent jamais Paris, des haleurs laissèrent également leur vie dans les accidents de parcours.
Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !
Ceux-là, dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !
Baudelaire-Le voyage-1859.
L’arrivée est fêtée par une population tout excitée de voir enfin l’objet dont on parlait depuis tant d’années. Parmi cette foule friande d’exotismes, certains se souviennent de l’arrivée la fameuse girafe Zarafa à Paris en 1827, un autre don du Pacha égyptien.
C’est à Louis-Philippe Ier que revient le prestige d’avoir maintenu la vitalité du projet et qui choisit sa destination, place de la Concorde. En dépit de multiples candidats, il préfère s’inscrire dans la perspective historique du Louvre et voir cette réussite des Tuileries. Par cette action d’éclat, il marque aussi sa volonté de réconcilier les Français autour d’un monument « neutre » , au milieu des antagonismes entre monarchistes et républicains. La place est noire de monde, tout Paris est là, nul ne le voit sur les aquarelles de l’évènement, mais il est bien dans le paysage, aux fenêtres de l'hôtel de la Marine.
L’Obélisque de la place de la Concorde est le plus vieux monument de Paris, il date du XIVe siècle avant-JC, une époque où la Seine coulait encore au milieu de marais inhospitaliers. Il a été coiffé en 1998 d’un pyramidion doré à l’imitation de ceux réalisés en électrum, alliage d’or et d’argent, qui ornaient autrefois les pointes vers le ciel. Ce n’est pas un vol, mais un don et une revanche sur les Anglais qui réussirent à enlever la pierre de Rosette. Les 200.000 parisiens qui assistent à l’érection le 25 octobre 1836 écoutent sans un murmure « les mystères d’Isis » de Mozart, tandis que l’ingénieur Lebas dirige les opérations sous sa machine de levée , il sait que sa vie dépend de la fiabilité de ses calculs et de la solidité des cordages.
À quatorze heures trente, le monolithe phallique est dressé, sans attache sur son socle. C’est alors un grand cri de joie. Les seize babouins qui accompagnaient la bête de granit, dressés sur leurs pattes arrière avec le sexe en érection n’ont pas été installés, de peur de remuer cette foule en émoi et toujours imprévisible. Ils sont restés sagement au musée du Louvre et y sont toujours…
D.L
Un grand merci à Marie-Pierre Demarcq pour sa visite guidée dans le cadre de la soirée avec le Groupe SMV.
Jusqu’au 6 juillet 2014 Place du Trocadéro